Uwo impuruza iratira indamutsa

Wa rudakubana !

Icumu rindutira imikore

Nabonye rikunda kuvuna inkiko

Inka zo mu rugerero nzirinda gukubana :

Nzikotanira ahashisha abatatsi

Abatabazi mbatoza gukora intambara.

 

Abishimanaga intanage

Babona intabaza iranzanye

Inzira nayihinduye amashahu

Ishisha ab’amakenga.

Mbaye intwari y’ingabo

Inganizi nzirusha gutabara

Ziteranira n’ingimbi mu ngerero.

 

Ingesabinyita atota abakoni

Ati : « Nimukurikire uwo ingoma irata !

Ubwo ashyikiriye Rwego

Ikaba izisumbya urubega,

Igumya kurangwa n’amarere

Mu Barambizi ntakihasigara ! »

Numvise ko ayirikana nk’intore,

Intoki nziyirakariza mu gifunga :

Iyo mfuruta itwaza abakogoto.

Ngishyikirana n’umufozi

Mu kumutera ndatinduka.

Nkuye mu gitugu

Ikuza rimukubita nk’inkuba,

Rimutebejemo ibikombe arataka ;

Rimutungutse mu bitugu

Impundaza ayihaza umutuku

Uruti rumwesa hejuru y’umutana,

Umutarati we arawugwira.

 

Nti : « Uw’Ingabo itajorwa

Injunga imuhejeje  mu rugamba rw’inkwaya

Ari ukuzisumbya inkubito ! »

Iy’Inkubitaruguma irayirengera :

Igumya kurangurura ijwi mu gitero ;

Uwo iturubitse icondo

Imuciraho inkamba,

Inkagwe azirekera asinda icumu.

Ati : « Uw’ingabo y’intwazabafozi

Yinigiwe n’impundaza

Impuruza ikiriho umurishyo ! »

 

Zimaze gushyikirana n’abakogoto

Ntihagira ivuka :

Nari nazivugiye imbere.

Numva iy’Imbabazamahanga

Irohera mu rugamba rw’imikore :

Irugeze ku mukondo

Na we akomeza kurukongeza n’amakuza,

Uwe amuheza muri ayo makuba.

Amaze kumukuraho ibinyita

Ati : « Uw’ingabo ya Nyimbuzi

Imbaza imutambitse hagati y’inkwaya

Inkomeri zirizera ».

 

Izo ngabo zikomeza kuzimbanwa ababisha,

Shebuja azinginza Rwogera ;

Iya Rwogezwa-mu-mahina

Ibonye ko urugamba ruhanikiye abatinyi,

Igumya gutoza ingabo amarere.

Uwayo imutambitse ku iteme

Na we amwigiraho rutinywa,

Ati : « Uw’ingabo ya Rutayegayezwa

Muroheyeho nk’imfizi y’intare

Nkibasumbya intambwe zo gutabara.

 

Iya Ruterabwoba

Irwanira gufata mpiri ;

Uwo yuhiye impundaza ku isibo

Agumya kumwesaho umurera

Ati : “Uw’ingabo ya Murakaza-bagabo

Mutambitse hagati y’ingamba

Abagabo b’inganizi bagitinya kuvuna impuruz ».

Iy’Imputa-bigwi

Yihutira kunesha inkwaya

I Nkole tuyihindura imirambo :

Imirera yiharira intambara.

 

Mwene Ntare yihuta ayo gusiga intashya

Ajya guhebya abo kwa Mutana.

Ni abasanzwe bahagarika umuti ko mbatera,

Agitunguka batanguranwa kumubaza

Bati : « Ko wihungura ku matwi

Ukaba wahindutse umutuku

Utakitangirije inkwaya

Utazi ko wabaye inkomeri,

Aho iyo Nkole wayisizemo abantu ? »

Ati : « Keretse abaduteye !

Badutakishije bugisesa !

Twasakiranye ncyugurura.

Bajemo umusore w’igihame,

Yirahiriye mu irembo

Yivuga ngo ni Impamiriza-gushyitsa !

Twasakiranye mu gitondo

Ni we watumye ngenda nikunga,

N’abankurikiraga yabakuyeho ibinyita !

Nimuvane inka mu nzira :

Mutewe n’Inzovu y’icyubahiro

Abangikanye n’Intwari-y’icyusa

N’incyaha-baganizi.

Yabageranaho ishema

Mwashirira ku murongo ».

 

Icyivugo cyahimbwe na Nyamwasa. Kirasingiza ingabo y’umwami w’u Rwanda Yuhi V Musinga. Ibyo kivuga ariko ni ibihimbano kuko uyu mwami atigeze agaba igitero mu bihugu bikikije u Rwanda. Igitero cya nyuma u Rwanda rwagabye mu mahanga cyabaye ku ngoma ya se Kigeli IV Rwabugili ; ni cyo bise igitero cy’i Nkole, cyabaye mu mwaka wa 1894, umugaba wacyo yari Nyamuhenda ya Kajeje.

L’Exalté auprès du tambour-des-audiences par le héraut d’alarme

Souche de l’Imperturbable.

De la framée que je préfère aux arcs

Ayant discerné l’inclination à protéger les frontières

Je donnai pleine tranquillité aux bovidés des Marches.

Je les défendis en des endroits redoutés des espions,

Apprenant aux guerriers la méthode de manier la bataille.

 

Ceux qui se fiaient à leurs empennées

S’aperçurent que le héraut m’amenait :

J’avais jonché la route de cadavres mutilés

Dont la vue achevait de troubler les craintifs.

Me comportant en héros de toutes les armées,

Par ma rapidité vers le combat je me distinguai des hésitants

Qui durent rester dans le Camp avec les non-aguerris.

 

Le Héros-Mutilateur recommanda aux Bâtonnistes :

« attachez-vous au brave qu’exalte la Dynastie, dit-il ;

Puisqu’il est armé de son Bouclier le Colosse,

Qui domine les autres de toute la hauteur de l’orle

Et dont la vivacité demeure la qualité distinctive,.

Les étrangers vont subir une irrémédiable razzia ! »

Entendant qu’il exaltait mon Bouclier à l’égal de l’élite,

Mes doigts se crispèrent à son énarme,

Tandis que ce hérissé de courage refoulait les sagittaires.

Dès ma première rencontre avec un archer,

Je pris l’élan pour le frapper de la javeline.

Toute la vigueur de l’épaule ayant contribué à donner le coup,

La framée le terrassa, telle la foudre des airs.

Le tranchant du fer s’étant enfoncé en lui, il gémit.

La pointe l’ayant transpercé,

Il l’arrosa de son sang :

La hampe le renversa sur son carquois

Et sur son arc il s’affaissa.

 

« La victime du Héros irréprochable, _ proclamai-je,

La zagaie vient de le coucher dans la ligne des arcs,

Grâce à sa vivacité qui dépasse la leur ! »

La pelte du héros Prodigue-des-blessures vint l’appuyer

Et maintint le verbe haut dans la bataille.

L’adversaire qui reçut le coup orbe de son umbo

Servit d’exemple démoralisant pour ses compagnons :

Ivre du coup de la sarisse, il laissa tomber la flèche encochée.

« La victime du brave qui refoule les archers, _ déclama-t-il, _

Vient d’être étranglée par la lame de la zagaie,

Tandis que retentit encore le tambour d’alarme ! »

 

Les Boucliers ayant serré de près les sagittaires,

Ils frappèrent des coups heureux

Vu qu’à leur tête, j’avais déclamé les hauts faits.

J’entendis celui du preux Chagrin-des-pays-étrangers

Pousser des rugissements léonins dans le combat des arcs.

Parvenu au centre de la ligne de bataille,

Il l’incendia par ses javelines,

Et coucha sa victime au plus fort du danger.

Lui ayant retranché le trophée :

Le vaincu de la pelte du héros Déracinateur, _ proclama-t-il, _

La zagaie vient de l’abattre au milieu des arcs,

Ce qui ranime le courage de nos blessés ! »

 

Les Boucliers ne cessèrent de se dépasser en victimes ennemies :

Par le nom de Rwogera, leur Capitaine les fanatisa.

Celui du Héros-exalté-dans-les-cas-critiques

Voyant que la bataille devenait inabordable pour les craintifs,

Se comporta en modèle de vivacité pour les combattants.

Ayant abattu sa victime dans le passage du marais,

Il en devint plus redoutable.

« Sur la victime du Héros-Imbousculable, _ déclara-t-il, _

J’ai foncé, tel un mâle de lion,

Tandis que vers le combat je me précipitais à course éperdue ! »

 

Alors le Bouclier du Preux Inspire-terreur

Eut comme objectif de faire des prisonniers.

Sur l’ennemi auquel, dès l’abord, il abreuva sa javeline,

Il continua à faire danser la pelte, en proclamant :

« Le vaincu du Bouclier que porte le brave envié des héros,

Je l’ai abattu entre les lignes de bataille,

Les craintifs hésitants encore à répondre à l’appel d’alarme ! »

Celui du Preux Eclair-des-hauts-faits

Se hâta de mettre les arcs en déroute :

Nous jonchâmes le Nkole de dépouilles mortelles,

Les peltes s’étant chargées seules de la victoire.

 

Le fils de Ntare courut plus rapidement que les hirondelles

Et alla donner de sages avis aux gens de chez Mutana.

Vu qu’ils demeuraient aussi dans l’attente de mon attaque,

Ils se hâtèrent de le questionner dès son arrivée :

« Puisque te voilà l’oreille basse, lui dirent-t-ils ;

Et que tu es couvert de sang

Ne faisant plus cas de ton arc

Ne t’apercevant même pas que tu as été blessé :

Dans ton Nkole as-tu laissé homme vivant ? »

« Excepté nos envahisseurs ! _ répondit-il ; _

Ils nous ont fait gémir dès l’aube :

Nous en sommes venus aux mains au lever du jour.

Parmi eux se détache un jeune héros de belle prestance

Qui a déclamé ses exploits à l’entrée  de ma résidence,

Se disant Héros-aux-coups-mortels.

Nous nous sommes mesurés au petit jour :

C’est lui qui m’a réduit à marcher sans escorte,

Ayant mutilé ceux qui formaient ma suite.

Mettez vos bovidés en sûreté,

Car c’est un colosse redoutable qui vous attaque.

Il marche côte à côte avec le Preux-Majestueux,

Ainsi qu’avec le Brave-qui-abhorre-les-craintifs.

Si, avec sa fougue, il vous atteignait,

Jusqu’au dernier, à la file, vous seriez exterminés.

 

Ode exaltant le Bouclier de Yuhi V Musinga (qui  régna de 1897 à 1931). Elle fut composée par l’Aède Nyamwasa aux environs de 1920. Ce n’est donc pas un Poème de l’ère héroïque, mais une libre composition de l’époque européenne, aux exploits imaginaires. Le roi Yuhi V Musinga, (ainsi que l’Aède compositeur lui-même)) est membre de la Compagnie Indengabaganizi = Dépasseurs –des-hésitants, que l’occupation européenne surprit en formation à la Cour.

Les exploits fictifs se déroulèrent à la frontière Nord-est du Rwanda, contre le Royaume du Nkole (l’Ankole de l’Uganda) gouverné par le roi Gahaya. La frontière du Rwanda est supposée commise à la garde d’une Compagnie officielle de la Cour, qui y tient un Camp de Marches (vers 5). Le pays en face, le Nkole, est continuellement visité par des espions qui viennent renseigner nos guerriers et leur indiquer les régions dangereuses (vers 6). Les guerriers du Nkole déclenchent une invasion et le sous-chef de la localité frontière en avise les Camp de Marches (vers 9). Notre Héros se porte au devant de l’ennemi, lui tue un grand nombre et le refoule ; il mutile les tués, leur enlevant le trophée qui prouvera sa victoire (vers 10). Les jeunes recrues du Rwanda, peu au courant des combats, restent dans le camp, où vont les rejoindre les craintifs (vers 14). Le Capitaine de la Compagnie engagée au combat porte la devise de Héros-Mutilateur (d’ennemis abattus). Il remarque la fougue du Héros et recommande aux Bâtonnistes (section des troupes chargée de saisir le butin ) de s’attacher à ce combattant d’élite (vers 15) s’ils désirent faire une abondante saisie.

Les compagnons d’armes du Héros sont successivement désignés par leur devise guerrière respective(Prodigue-des-blessures, Chagrin-des-pays-étrangers, etc.). Le tambour d’alarme (que l’on conservait toujours dans le Camp) continue à appeler les guerriers de l’intérieur afin qu’ils viennent soutenir la Compagnie officielle (vers 43).

La bataille est dure et les blessés sont nombreux, mais ils gardent le moral bon à la vue des coups heureux que donnent nos porte-boucliers (vers 53). Par moments, la Compagnie semble devoir céder du terrain, mais le Capitaine les conjure à haute voix : « Au nom de Rwogera (nom coutumier de l’ancien monarque Mutara II) ne reculez pas d’un pouce, ou alors je ferai dire à la Cour que vous êtes une bande de poltrons ! » (vers 55). Les craintifs continuent à faire la sourde oreille aux appels du tambour d’alarme (vers 70). Cette circonstance soulignera davantage la valeur de l’élite qui remportera seul une éclatante victoire, après avoir massacré, jusqu’au dernier, les guerriers envahisseurs du Nkole (vers 73-74). Gahaya, le monarque du Nkole, cherche le salut dans la fuite et se dirige vers la région du Ndorwa gouvernée par le chef Mutana (vers 76). Il donne à ce dernier le conseil de fuir au plus vite, afin d’éviter le désastre qui le menacerait s’il tentait de résister aux vainqueurs du jour.