Présentation par B. Muzungu Ibisigo nyabami (inyandiko mu kinyarwanda, reba ahagana hasi)
IBISIGO NYARWANDA
1. ABANYIGINYA
PRESENTATION
Le lien que ce clan a créé entre la poésie et son régime politique a poussé certains, comme Alexis Kagame, à qualifier cette littérature de « poésie dynastique ». Cette appellation veut signifier que cette littérature était au service du pouvoir royal, mais aussi qu’elle était une création et une pratique permanente des hautes personnalités de la Cour royale, à savoir les souverains eux-mêmes ou leurs descendants. Toutefois, pour éviter la méprise d’en faire une littérature de simples panégyriques des monarques, et aussi pour une question d’objectivité, nous traduisons le terme Ibisigo par poésie historiographique. Cette expression est adéquate principalement pour le poème « impakanizi »créé spécialement pour récapituler les événements les plus saillants de tous les règnes. Ce fait que le clan royal soit, en quelque sorte, le fer de lance de cette littérature implique que la langue, dans son ensemble, se trouve placée à une place d’honneur dans l’échelle de nos valeurs culturelles. La langue de la Cour élimine les régionalismes au profit de l’unité des populations, le beau langage s’impose, les œuvres littéraires de tous genres sont encouragées, telles que : ibyivugo (poésie guerrière), amazina y’inka (poésie bovine), imigani (contes et proverbes), imbyino (chansons), indirimbo (chants), etc.
Les membres de ce clan royal ont joué en faveur de la langue nationale en général et de la poésie en particulier plusieurs rôles à divers niveaux. Le premier est d’avoir créé ce genre historiographique et lui avoir doté d’une institution juridique comme support, en l’espèce du « Collège des Poètes de la Cour = Intebe y’Abasizi b’i Bwami ». Cette double initiative remonte au règne du roi Ruganzu II Ndoli, avec la reine-mère Nyiraruganzu II Nyirarumaga qui, elle, était du clan des Abasinga. Le second rôle fut de forger le vocabulaire et les techniques stylistiques de la poésie. Nous allons en donner tout de suite un échantillon. Nous verrons évidemment la production effective des œuvres poétiques des membres de ce clan. Il faut être conscient que même la collection la plus longue, celle de Kagame, ne représente que peu de choses pour des générations de poètes qui datent du 16ème siècle. La défaillance de la mémoire est inévitable. Ce qui signifie, au demeurant, que les versions actuelles sont souvent des réaménagements produits par des rhapsodes pour palier aux oublis.
Pour cet exposé, nous allons traiter successivement des points suivants : 1°- de la version originale, 2°- du langage poétique, 3°- des poètes et leurs œuvres, 4°- du lexique des poèmes déjà analysés dans cette revue.
1. De la version originale :
Le travail de traduction auquel nous nous adonnons aujourd’hui dans cette revue nous a fait perdre une grande illusion, sans doute persistante chez certains. Celle-ci consiste à croire à l’existence d’un poème dont le texte actuel serait, mot à mot, celui qui est sorti de la bouche de celui à qui la tradition l’attribue. Après la lecture de tous les poèmes de notre collection, aucun n’a pu être retenu comme authentique sans la moindre modification. Pour tous les poèmes traduits, nous avons dû les retoucher par endroits pour avoir un texte sensé dans son contexte. Il est difficile de dire en peu de mots les cas d’espèce rencontrés dans ce retraitement de textes. On comprend bien la cause de ces modifications du texte génuine. Un poème de 300 vers, qui est récité oralement, par exemple depuis 5 siècles, par diverses générations de rhapsodes qui ne se connaissent pas, il est tout à fait compréhensible que des variantes apparaissent. Nous avons même vu le cas où l’Auteur avoue avoir oublié une grande partie de ses poèmes ou mélange dans un même récit des passages provenant de plusieurs poèmes. A propos nous pouvons citer le cas de Sekarama lorsqu’il était devenu nonagénaire. C’est la ressemblance substantielle de ces divers textes qui permet de parler de versions du même poème.
En conclusion, il semble inévitable d’attribuer le titre d’original à la version qui répond à deux critères : la plus complète et la plus correcte. Le premier critère est justifié par le fait que la principale cause d’altération du texte génuine est la défaillance de la mémoire des rhapsodes. Quant au second critère, il répond à une question du bon sens. Pour des raisons diverses, les passages qui n’ont pas de significations sensées dans le contexte du poème sont des altérations à corriger. Un texte ainsi réaménagé doit être considéré comme celui qui est pratiquement l’authentique pour ne pas dire l’original.
2. Du langage poétique :
Les poètes utilisent un langage technique auquel il faut être initié pour comprendre leurs œuvres. En voici un échantillon des termes les plus usités en ce domaine.
-Igisigo = poème, plus précisément : poème historiographique. Il vient du verbe gusiga, au sens où son contraire est gusiganuza = demander les explications, ce qui signifie : composer ou déclamer des poèmes.
-Inganzo = inspiration poétique. C’est un don naturel ou une aptitude acquise. Les bénéficiaires s’appellent « Abasizi » = poètes. Ils ont été regroupés dans une institution officielle dénommée « Intebe y’Abasizi b’i Bwami» = Collège des Poètes de la Cour ou Académie des poètes de la Cour. Cette institution relève de l’initiative de la reine-mère Nyiraruganzu II Nyirarumaga au 15ème siècle.
-Umukarago = vers. Chaque poème comprend un ensemble de propositions, allant de quelques unités à des centaines. C’est chaque unité de sens qu’on nomme « umukarago », correspondant à ce qui est appelé « vers » en français.
-Indezi = cheville. Ce terme est exclusivement poétique, signifiant « ornementation » et n’apportant aucune nouvelle idée. Elle est comme un habillement solennel de certains personnages ou lieux vénérables. Pour les non avertis, c’est l’élément le plus déroutant du poème.
-Umusayuko = péroraison. Cet élément est la partie finale du poème, consistant souvent en une louange ou une requête de la part du poète.
-Kuzimiza = parler en figures.
-Igikamiro = la mélodie poétique. Déclamer un poème se dit « kwigana ». Lorsqu’il est chanté, la mélodie se nomme « igikamiro » et nous en possédons trois principales : 1°-Urugêra = voix haute, 2°-Amataga = voix moyenne ; 3°-Amatarama = voix basse.
-Gufatiraho ou Igisigo cy’ubuse = satire.
-Ikobyo ou Ikungu = Le poème d’un seul trait
-Icyanzu = Le poème à refrains
-Impakanizi = Le poème récapitulatif des événements majeurs de tous les règnes selon leur ordre chronologique.
3. Les poètes et leurs œuvres :
Tout a commencé par le projet politique et culturel du binôme royal Nyirarumaga et Ndoli, co-intronisés sous le nom dynastique de Ruganzu = le Vainqueur, aux environs du 15ème siècle. Cet événement eut lieu juste après la catastrophe survenue sous le règne précédent, celui de Ndahiro Cyamatare. Ces deux souverains s’assignaient la tâche d’être la riposte de cette humiliation nationale. Pour ce faire, deux objectifs prioritaires étaient envisagés : 1°- remettre le pays politiquement debout et 2°- lui donner une existence historique en créant un instrument juridique pour perpétuer sa mémoire. Dans le sens de ce premier objectif, Ruganzu Ndoli fut, de tous nos rois, le plus grand guerrier. Concernant la tâche de garder la mémoire du pays, la double initiative, somme toute révolutionnaire, fut décidée : une technique et une institution juridique. Qu’est-ce à dire ? La reine Nyirarumaga créa une catégorie de poème nouveau, nommée « Impakanizi » qui est techniquement apte à véhiculer des récits événementiels. Cette invention fut complétée par la création d’une institution officielle du Collège des poètes qui composeront ces poèmes, les enseigneront et les légueront à leur postérité pour perpétuer ainsi la mémoire du pays. Cette double création mettait ainsi fin à des siècles d’amnésie de la période précédente dite des « rois de la ceinture ». Le rôle du pouvoir royal ne s’est pas limité à ces deux initiatives de départ. Sa protection à l’égard des familles des poètes a été permanente. A titre d’exemple citons le cas des poètes de Kiruri au Nyarunguru. Le roi Yuhi III Mazimpaka a octroyé à Nzabonariba et ses descendants le fief de la colline de Kiruri pour les rendre indépendants des autorités provinciales. Il reste à montre comment les poètes de ce clan royal ont servi comme l’échine dorsale de la poésie historiographique tout au long de l’histoire de la monarchie.
Nous allons voir quelques noms de poètes de ce clan, des rois et des princes, dont la part prise à cette littérature lui a conféré une valeur politique et culturelle de premier rang dans le pays. Par ricochet, la langue, dans son ensemble, prose et poésie, a acquis une valeur considérable. L’unité du pays, le langage soigné, même des écoles d’éloquence, des genres poétiques différents, des œuvres littéraires dans divers domaines de notre culture, toutes ces richesses viennent de cette source et ressource première de la poésie historiographique à la gloire des membres de ce clan et bien sûr des autres dont mention a été faite.
Parlons maintenant de la contribution spéciale du Roi Ruganzu Ndoli en tant que poète. A tout Seigneur, tout honneur. Le poème N°- 3 de notre collection fut composé par le roi Ruganzu II Ndoli, avec l’aide d’un poète plus expérimenté du nom de Rwozi. Cette œuvre, ayant subi des retouches substantielles de la part du poète Bagorozi, sous les ordres du roi Rujugira, il est devenu aujourd’hui difficile de savoir ce qui appartient à la première mouture de Ndoli. Une chose est sûre, on ne prête qu’au riche. Cela veut dire que Bagorozi a apporté des améliorations et adaptations mais n’a pas substitué son poème à celui de l’auteur primitif. Alexis Kagame a placé ce poème dans les œuvres de Bagorozi sous le numéro N° 49 de sa classification. Dans notre classification, on vient de le dire, il porte le N°-114. Etant ainsi en tête les œuvres de son clan. Le titre du poème vient sûrement de lui ainsi que le montre le terme « ishyembe » devenu au temps de Bagorozi « ihembe » comme aujourd’hui. Un autre élément qui remonte certainement à Ruganzu est le sens global du poème qui est la raison principale pour laquelle le roi Rujugira le fit remodeler par Bagorozi. Celui-ci porte sur le dogme politique de l’indépendance du pays et de son élargissement continuel inscrit dans son nom « ru-aanda = étendue illimitée».
Il convient de signaler que le don poétique de ce roi est attesté également dans la poésie guerrière. Comme on le sait, ce roi, le plus grand guerrier de tous nos monarques, portait en cette qualité le surnom de Cyambara-ntama = Porteur d’une peau de bélier. Il allait lui-même au devant de ses troupes pour être parmi les premiers à supporter le premier choc des hostilités et à mettre hors jeu de son arme le chef de ses adversaires. La tradition nous a transmis une liste des souverains adversaires qu’il a tué de sa propre main. Cette liste commence par la formule stéréotypée que voici :
« Nkwice, nkwirahire, ndi Cyitatire cya Mutabazi, naritatiye ndatera, Nishe (...) = Je t’occis et te fais la preuve de ma vaillance. Qu’on le sache, je suis le Batailleur, souche du grand Guerrier. Après des préparatifs minutieux, j’ai ouvert les hostilités et j’ai occis (…) ». Viennent ensuite les noms des rois autochtones qui ont payé de leur peau leurs diverses factures.
-Nishe umushi NTSIBURA Nyebunga,
nyabura nyina induru arayidehera, mubaza
aho Ingabe Rwoga yarengeye.
-Nishe NZIRA ya Muramira mu Bugara,
muziza amahano yakoze
i Rubi rw’i Nyundo.
-Nishe KAMIMA ka Kamirogosa mu kabira
ka Ngabo, ngirango ako karere k’inyuma
y’Ibirunga kayoboke u Rwanda.
-Nishe KATABIRORA ka Kabibi mu kabira
ka Ngabwe, aho yateraga ifujyo.
-Nakubise GOGO uruguma rumaze iguriro i Biguzi
-Nishe NYAKARASHI i Zivu, Shyanda yose
ishyashyana kuyoboka.
-Nishe NYARUZI rwa Haramanga mu Mukindo
wa Makwaza. Nishimye amaboko mwicisha
intwaro ze ahigukanye asanze ndi imbokoboko.
-Nishe MPANDAHANDE i Ruhande ngirango
mvire iruhande rimwe.
Traduction
-J’ai tué le mushi NTSIBURA Nyebunga. Ce que voyant sa mère poussa des cris éperdus. J’en profitai pour lui poser la question: où avez-vous mis notre tambour dynastique, le Rwoga ?
-J’ai tué NZIRA, fils de Muramira au Bugara. Il payait la catastrophe de Nyundo où le roi Ndahiro et toute sa Cour furent massacrés.
-J’ai tué KAMIMA, fils de Kamirogosa dans la forêt de
Ngabo. La région ultra-volcan devait être rwandisée.
-J’ai tué KATABIRORA, fils de Kabibi, dans la forêt de
Ngabwe pour sécuriser cette région.
-J’ai asséné à GOGO un coup mortel au front, lui qui se
faisait prendre pour un autre à Biguzi et à Mwito.
-J’ai tué NYAKARASHI à Zivu, tout le Shyanda s’en
pressa de se soumettre au Rwanda.
-J’ai tué NYARUZI, fils de Haramanga, au Mukindo près
de Makwaza. Je l’ai tué avec ses propres armes de la
chasse qu’il venait d’effectuer et qu’il me trouvait les
mains vides.
-J’ai tué MPANDAHANDE à Ruhande qui se trouvait
sur la route de cette précédente expédition afin d’être
quitte avec les insoumis de cette région.
2. LES POETES DE KIRURI
C’est avec un grand plaisir donc que nous publions ce numéro spécial portant sur cette famille qui a eu, non seulement l’insigne mérite de créer cette poésie mais aussi de compter parmi ses ancêtres Nyirarumaga, « la mère de l’histoire du Rwanda » et Nyamususa, la reine-mère de la dynastie des Abanyiginya. Tout remontent à Jeni, fils de Rurenge.
En effet, d’après l’un des membres de cette famille de Nzabonariba, le nommé Gaspard Gahorero qui habite actuellement, en 2003, dans la ville de Butare, on peut remonter la chaîne de leur famille jusqu’au dernier encore connu de la façon suivante : Gahorero, Segacece, Mpogazi, Mbonyi, Ngogane, Bagorozi, Nzabonariba, Nyungura, Gashegu, Kayumbo, Gahuriro, Nyemazi, Rugenda, Kimezamiryango, Jeni, Rurenge.
Comme on va le voir, cette famille n’a pas seulement créé la poésie mais elle l’a pratiquée largement. Elle a engendré 12 poètes que nous avons pu identifier, qui ont composé 36 poèmes. De nombreux poèmes appartenant aux auteurs anonymes semblent se référer également à ce groupe par leur style littéraire et par leur inspiration poétique. A présent, nous pouvons aligner des noms de poètes connus de cette famille sur la liste que voici : Masozera, Segacece, Ngurusu, Gahuriro, Munyanganzo, Karorero, Nyirakunge, Kibarake, Ngogane, Mbaraga, Bagorozi, Nzabonariba. C’est dans cette famille que nous avons eu deux poétesses de notre histoire : Nyirarumaga et Nyirakunge.
Après cette brève présentation, on comprend que un numéro spécial consacré à cette famille de poètes valait peine. Si l’on lui ajoute l’autre branche du même clan des Abasinga à savoir la famille de Karimunda. Nous arrivons à la conclusion que la « poésie historiographique » est essentiellement la spécialité et le mérite de ce clan. Les autres familles de poètes on joué un rôle complémentaire. Il s’agit des membres des clans des Abanyiginya et des Ababanda. Les poèmes qui vont suivre selon un ordre chronologique décroissant sont présentés selon la version des descendants des auteurs. Nous savons que A. Kagame est allé plusieurs fois à Kiruri et en a enregistré plusieurs versions.
Nous en retenons une : celle que nous connaissons directement de la bouche des rhapsodes héréditaires. Chaque poème est accompagné de notes qui en facilitent la compréhension. Avant de passer à la lecture de ces poèmes, voici une sorte de biographie de chaque auteur.
1°- NZABONARIBA
Nzabonariba apparaît dans l’histoire sous le règne de Yuhi III Mazimpaka. Il lui offre trois poèmes. Nzabonariba se retire du public après avoir présenté au roi celui qui allait devenir le plus célèbre poète du règne suivant, son fils Bagorozi.
Dans cette œuvre poétique, il a eu l’occasion de rappeler la grandeur de sa famille qui remonte à Jeni, fils de Rurenge lequel avait organisé un immense empire dans la région avant l’arrivée des Abanyiginya. Ce même clan des Abasinga, de la branche des Abasangwa-butaka, avait fourni à la dynastie des Abanyiginya 10 reines-mères. La première fut Nyamususa, épouse de Gihanga Ngomijana ; la dernière fut Nyirarumaga, reine-mère adoptive de Ruganzu II Ndoli. Comme on le sait, c’est celle-ci qui avait eu l’insigne mérite de créer et d’institutionnaliser à la Cour royale la poésie historiographique.
Se rappelant la félonie d’un membre du clan, le fameux Nkurukumbi qui avait refusé de mourir martyr pour le pays au temps de Ruganzu Bwimba, elle mentionna une compensation de taille dans l’héroïsme exceptionnel de Turagara, un autre membre du même clan des Abasinga. Ce Turagara était le fils de Nyankaka, qui avait participé à la bataille de Muganzacyaro, dans la province du Rukoma, où les Abanyoro furent battus, sous le règne de Mukobanya et durant laquelle bataille le prince Sekarongoro fut blessé au front, ce qui lui valut une gloire immortelle, chantée par tous les poètes.
2°- BAGOROZI
Bagorozi commence sa carrière de poète de la Cour sous le règne finissant de Mazimpaka, pour devenir « le roi des muses » sous le long règne de Cyilima II Rujugira auquel il n’offrira pas moins de 8 chef-d’œuvres poétiques. Dans l’histoire de la poésie historiographique, seul Musare a pu le dépasser en fécondité numérique avec ses 13 compositions. Mutsinzi et Sekarama lui sont proches avec, à leur palmarès, 8 poèmes chacun. N’oublions pas que tous ces 4 Aèdes puisent à la même source leur inspiration poétique : l’héritage des temps immémoriaux du clan des Abasinga illustré pour la première fois par Nyirarumaga. Après ce liminaire, voyons ce que l’œuvre de Bagorozi a apporté à l’histoire et à la culture du Rwanda. Pour ce faire, passons en revue rapidement l’ensemble de ses compositions. L’un de ses poèmes se fait l’écho d’un débat de préséance entre les anciennes capitales. Son collègue Musare imitera cet exemple.
L’intérêt de ce débat pour l’histoire est de dessiner la carte géographique du Rwanda de cette époque. Bagorozi participe de nouveau à un débat mais plus sérieux que le précédent. C’est un débat qui touche l’essentiel de l’idéologie politico-religieuse de la vie nationale. Il s’agit du rapport d’efficacité entre deux moyens pour donner la victoire dans la guerre. D’un côté, il y a les combattants avec leurs armes matérielles, de l’autre il y a « la main invisible de Dieu », représentée par le sang versé sur le champs de bataille par « un martyr désigné par les augures » et qu’on appelle : « Umucengeli ». En bref, ce débat vise une idéologie politico-religieuse ayant sa base dans la croyance générale de la monarchie rwandaise qui était considérée comme une théocratie. Le débat revient au rapport entre « le naturel et le sur-naturel » pour la vie du pays.
Le point de vue de Bagorozi est dans la ligne de l’adage : « Imana ifasha uwifashije = Aide-toi, le ciel t’aidera ». Dans un poème, il mentionne la conquête du Nduga.
Le N°-5 est une explosion de joie pour le roi qui vient de retrouver la santé après une grave maladie : c’est une victoire sur cette ennemie !
Le N°-6 prophétise la défaite du Burundi qui sera suivie par celle de son coalisé, le Gisaka. La résidence du roi située à Runyinya, près de Save, change de nom et devient Mwurire. « Le nom produisant ce qu’il signifie », selon la croyance traditionnelle, le nouveau nom de la résidence royale symbolise sa victoire sur les autres résidences royales. Le N°-9 récapitule toutes les résidences de Cyilima. Le N°-7 mentionne le pacte de non-agression entre le Gisaka et le Rwanda sous Nyamuheshera et avertit que le lien entre le Gasaka et le Burundi ennemi du Rwanda rend caduc ce pacte ancien. Le N°-11 célèbre avec emphase la mort du roi burundais Mutaga III dans la bataille de Nkanda au Buyenzi du Burundi à l’époque et « rwandisé » depuis lors. Du côté burundais, cette mort du roi fut considérée comme un « martyre » tendant à annuler les effets catastrophiques pour le Burundi du « martyre » du prince Gihana.
Le N°-12 est un poème d’adieu à la Cour et aux muses. Il est précieux pour son témoignage sur la doctrine traditionnelle de l’ « eschatologie » : Mourir pour lui, c’est « rejoindre le collège des anciens rois dans le monde des esprits qui forment la Cour d’Imana » !
4°-MBARAGA
Mbaraga n’est pas de la taille de son père Bagorozi. Dans son poème N°-13, intervient pour appuyer la thèse de son père en proclamant tonitruant qu’après le verdict du roi, appuyant la thèse de son père, « la cause est entendue » (causa finita) ! En réalité le jugement de Rujugira était plus nuancé. Le roi avait dit : « Muhabura aravuga nk’imbyeyi yabirira inyana yayo, nawe Bagorozi ameze nk’akobo kavuna imbyeyi » ! En clair : Bagorozi a raison, mais son adversaire Muhabura n’a pas tord ! C’est le dilemme : « Imana irafashwa », ou « Ifasha uwifashije = aide-toi, le ciel t’aidera ».
5°-NGOGANE
Il est le chef de la famille de Bagorozi. Dans son poème N°-16 présenté au roi Rujugira, il flétrit la traîtrise d’un ancien protégé de leur famille, le nommé Bigeyo, qui a réussi à leur faire dépouiller de leur sous-chefferie de Kiruri au Nyaruguru. Ce poème est un chef-d’œuvre de description de l’hypocrisie et de la perversité. Le titre en dit beaucoup : « Nta kigira inama mbi nk’intati = Rien ne saurait avoir des intentions aussi perverses qu’un traître » ! L’ingratitude doublée de trahison est aux antipodes l’Ubupfura, cette vertu considérée comme l’idéal des relations sociales.
Dans son N°-17, Ngogane rappelle la mort du roi burundais Mutaga III et indique que le Bugesera est déjà conquis. Au point de vue littéraire, ce poème intitulé « Ndi intumwa y’Abami = Je suis le messager des rois », est le morceau le plus beau et le plus connu dans la famille. Il se laisse chanter avec un lyrisme fascinant !
6°-KIBARAKE
Il est le troisième fils de Bagorozi et le plus doué de ses frères. Kibarake a composé le poème N°133 pour le roi Kigeli III Ndabarasa. Celui-ci n’a fait que le mémoriser et le débiter. Il s’agit du fameux poème : « Batewe n’iki uburake = Qu’est-ce qui les a courroucés ? » Ce poème « Impakanizi » de 211 « imikarago » (vers) est une récapitulation des conquêtes successives qui constituaient le territoire rwandais de l’époque.
C’est donc un document précieux pour l’histoire de l’extension du pays. Le poème N°-18 nous donne l’exemple du genre poétique d’une satire. Le N°-19 est un poème d’adieu au roi Mutara II Rwogera.
7°- NYIRAKUNGE
Après ces trois fils de Bagorozi, la famille est présentée au Collège des poètes de la Cour royale par une femme : Nyirakunge, surnommée « la seconde Nyirarumaga », les deux bien-nées de la reine-mère Nyamususa, l’épouse de Gihanga Ngomijana, le fondateur du royaume des Abanyiginya. Sur Nyirakunge, nous n’avons eu qu’une maigre information. Jeune fille nubile, elle serait allée à la Cour pour remplacer son père qui nous reste inconnu et qui n’avait pas eu d’enfants mâles. Le roi l’aurait retenue définitivement à sa Cour et sans doute choyée pour sa beauté et ses dons poétiques. Elle est probablement la petite-fille de Bagorozi. Elle apparaît en public avec son premier poème, le N°-20 sous le règne évanescent de Rwogera. Les thèmes de ses compositions rappellent « la légende de Ndabaga » en les cantonnant dans le domaine martial.
Ce premier se situe dans la période qui a suivi l’occupation militaire du Gisaka avant son annexion juridique qui devait venir plus tard avec la livraison du tambour dynastique, le Rukurura, par le chef Kabaka au roi Rwabugili. Après la mort de Ntamwete, le dernier roi du Gisaka, son cousin Mushongore le remplaça sous la tutelle du Rwanda. Lorsqu’il fut mis en demeure de livrer le tambour de règne, du Gisaka, il préféra s’exiler au Bushubi. C’est cette fuite qui constitue le thème du présent poème. Le second poème N°-21 est présenté au roi Kigeli IV Rwabugili durant les cérémonies d’intronisation du 4ème tambour dynastique Mpatsibihugu. Cette cérémonie eut lieu en 1884, l’année où la fête des prémices eut lieu à Mukingo. C’est durant cette fête que le roi avait mis à prix la tête de Nkundiye, le roitelet de l’île Ijwi qui s’était révolté. Ce sont ces événements qui traduisent la puissance du Rwanda et que la poétesse célèbre dans ce poème. Ce tambour représente en effet un sommet de ce sentiment de supériorité du Rwanda sur les pays voisins, sentiment caractéristique du règne de ce roi qui s’est sur-nommé « rwa-bugili = doué de puissance ». Il faut bien noter que ce rôle attribué à Nyirakunge, de prononcer le poème officiel d’intronisation de ce tambour-dynastique, au nom de tout le Collège des Poètes de la Cour nous dit assez du crédit dont elle jouissait à la Cour.
Son dernier poème, le N°-22 montre la poétesse toujours sur le champ de bataille. Il est intitulé « Ndaje kuvuga umurasano = Je viens te raconter la bataille ». Ce poème exalte les victoires du Karinga, mais sans donner des précisions particulières. Après ce poème, Nyirakunge rentre dans le silence définitif.
8°- KARORERO
Ce personnage est peu connu. Il est fils de Mbaraga, celui-ci fils du célèbre Bagorozi. Il n’a produit qu’un poème, le N°23 resté fragmentaire : quelques dizaines de vers. Son titre : « Ngambirize amahanga = Je proclamerai l’infériorité des pays étrangers » indique clairement qu’il se fait l’écho du thème dominant à l’époque, qui est excellemment exprimée dans la dénomination du tambour Mpatsibihugu.
9°- MUNYANGANZO
Munyanganzo est un autre grand de la famille. Son père Barembe est fils de Ngogane. Il a composé 7 poèmes dont la majorité sous le règne de Rwabugili dont il fut l’intime conseillé, pas toujours écouté. Le premier poème, le N°-24, est offert au roi Kigeli IV Rwabugili pour le remercier d’avoir vaincu la sécheresse qui a affligé le Rwanda durant toute l’année qui a suivi l’apparition de la comète de Coggia 1874-III et qui lui fut attribuée comme cause. Pour éloigner ce fléau, le roi avait dû pratiquer les cérémonies de « la Voie du temps poussiéreux (Inzira ya Rukungugu). Ce poème est ainsi, entre autres, témoin de cette croyance de la prérogative royale que traduit le titre du poème « Nta washobora igihugu nk’Umwami = Personne ne saurait être la providence du pays comme le roi ». Sa traduction française quasi intégrale par A. Kagame sous la dictée et l’explication de l’auteur ou des rhapsodes héritiers le comprenant parfaitement, aide la compréhension des autres poèmes du même auteur. Nous la reprenons-ci après.
Le N°-25 est un poème de consolation adressé à Rwabugili après la catastrophe militaire subie par son armée dans la bataille du Buntubuzindu et Murago au Bunyabungo. Dans ce long poème « impakanizi », le poète passe en revue les grandes victoires du passé et montre que toutes ont été précédées par des sacrifices de sang abondant et que le sang versé provoque automatiquement sa revanche et à la mesure de ce prix. Dès lors, le devoir du roi est de soutenir le moral de son peuple, de soulager la misère des veuves et des orphelins des victimes. Telle est la meilleure attitude pour préparer sereinement une revanche appropriée. Le poème est un chef-d’œuvre pour remonter le moral d’un roi humilié, profondément blessé dans sa dignité. C’est le poème que devrait lire celui qui a l’intention de se pendre !
Le N°-30, comme le précédent, concerne la vie du roi dans ses ambitions sur le Bunyabungo. Dans le présent poème, Rwabugili vient de tirer sa revanche du Bunyabungo et de le doter d’une administration rwandaise. Malheureusement, la victoire est suivie d’une grave maladie qui conduit le roi à deux doigts de la mort. Munyanganzo fut alerté. Arrivé sur les lieux, il trouve son maître hors de danger. Il lui déclame tout de même le poème préparé dans la crainte du pire. Le poème est un précieux document sur les guerres au Bunyabungo. Le N°-26 célèbre l’intronisation du taureau royal nommé Ntayozisa. Le troupeau de vaches et leur taureau symbolisent le peuple rwandais et son roi. Introniser un nouveau taureau signifie raffermir le pouvoir du roi. Le fameux poème de Ruganzu II « Riratukuye ishyembe icumita ibindi bihugu » = Ensanglantée est la corne qu’il enfonce dans le sein des pays étrangers », revient à parler du roi qui protège son pays par ses armes.
En l’année 1894, vers la fin du règne de Rwabugili, il y eut une peste bovine Muryamo. Pour célébrer sa fin, Munyanganzo vient déclamer la joie du peuple au père de la nation. Ce poème est le dernier que le grand roi écouta avant de rejoindre ses ancêtres. « Inka ziragiwe n’inkuba = Les vaches gardées par la foudre » est le titre de ce poème, en quelque sorte, d’adieu au dernier roi du Rwanda de Gihanga. Après lui, le Rwanda devint « une terre aliénée » par la Conférence de Berlin qui livre l’Afrique aux puissances européennes. Le poème N°-28 fut proclamé à une date précise : en janvier 1897, pendant les cérémonies d’intronisation de Yuhi V Musinga. Munyanganzo soutenait sa légitimité royale comme son parent Ngurusu.
En effet, Mibambwe IV Rutarindwa, intronisé co-régnant avec son père depuis 1889 a gouverné le pays seul durant toute une année. Apparemment donc, il était le roi incontestable, mais une faute de nullité sous-tendait cette apparence de légitimité. Il avait reçu une reine-mère « adoptive » qui avait un enfant mâle avec le régnant. Le Code dynastique est clair. La légitimité du pouvoir royal repose sur les règles suivantes : Le pouvoir royal est donné d’abord à un clan matri-dynastique déterminé, ensuite à la fille de ce clan indiquée par les augures et enfin au fils de cette reine-mère. La mère de Rutarindwa étant morte, celui-ci aurait dû avoir une mère adoptive qui n’a pas de fils avec Rwabugili. Voilà la légitimation du « coup d’Etat » de Rucunshu qui a mis Musinga au pouvoir.
Le dernier poème de Munyanganzo, N°-29, nous situe dans une période critique du pays. Il est offert au roi Musinga après la première guerre mondiale de 1914-1918. A cette époque, la situation du roi est des plus critiques. En effet, d’un côté, la collaboration entre le roi et le pouvoir colonial n’est pas encore suffisamment définie. Et d’autre part, tous les Rwandais ne sont pas derrière leur roi qui a pris le pouvoir de la façon discutable qu’on vient de résumer. Deux camps opposés se sont formés : un progressiste pour la collaboration avec le pouvoir colonial et un autre conservateur et nationaliste pour le refus de la collaboration. Notre poète est dans ce deuxièms camp et s’illusionne sur leur prochaine victoire. C’est ce que signifie le titre de son poème : « Kizi nzaba mpari igihe impaga y’abanzi izaba yashize = Chanceux que je suis de devoir y assister, lorsque l’arrogance des ennemis aura cessé ». Cette arrogance, dont la fin imminente est projetée, est la fin de la colonisation !
10°- GAHURIRO
Gahuriro, fils de Munyanganzo habitait au Bunyambiriri sous le règne de Mutara III Rudahigwa. C’est à celui-ci qu’il a offert ses trois poèmes. Il fut le tout dernier membre du Collège des Poètes de la Cour Royale (Intebe y’Abasizi). Son dernier poème N°-38 est le dernier des poèmes traditionnels. Le N°-137, composé par Munyangaju, fait partie des poètes modernes. Le N°-21 de cette revue indique certains noms de cette période de transition dont fait partie justement notre Laurien Munyangaju. Ce poème qui parle du voyage du roi en Belgique est typique pour ce changement.
11°- MASOZERA
Ce Masozera, fils de Segatwa, mourut encore qu’il était un jeune pâtre. Il laissa inachevé un poème de 32 vers dont le titre était une reprise de celui de sa parente Nyirakunge : « Nkurire ingoma ubwatsi ». Son frère François Kagosi l’a retenu et transmis à son fils Déogratias Nshimiye. C’est celui-ci qui nous l’a communiqué.
12°- NGURUSU
Ce fils de Karorero apparaît en public pour la première fois en déclamant son premier poème, le N°-31, à Kigeli IV Rwabugili, durant les cérémonies d’intronisation de Mibambwe IV Rutarindwa. Il est animé d’une audace peu diplomatique mais qui éclaire les conséquences de cette intronisation. Ce poème s’appelle « Urugo rugwije imbaga = Le foyer qui sécrète la zizanie en son sein ». Après la déclamation, le poète fut désapprouvé publiquement par le roi. Rwabugili lui dit vertement : tu as dépassé ton rôle ! Craignant pour sa vie, le pauvre poète se pressa de composer un second poème, le N°- 32, pour protester de son obédience. Ce poème est intitulé justement : « Je suis un fidèle sujet des rois ».
13°- SEGACECE
Avec ce poète nous touchons la fin de la principale source de la poésie rwandaise traditionnelle. Il est le dernier qui a été présenté au roi Musinga, comme membre du « Collège des Poètes de la Cour Royale » (Intebe y’Abasizi b’i Bwami), selon le protocole de cette institution.
Par ses nombreux rhapsodes, Segacece, est l’intermédiaire obligé de l’héritage des poètes de sa famille. Les informations que nous utilisons présentement proviennent, entre autres, de son propre fils Gahorero Gaspard qui est habitait dans la ville de Butare au moment de la rédaction de ce texte. La colonisation du Rwanda qui a mis fin à cette tradition poétique ne lui a laissé que le temps d’une seule composition : le poème N°34 intitulé « Iteka ry’Imana = La décision de Dieu ».
Segacece, fils de Mpogazi a présenté sa composition au roi Yuhi V Musinga après la mort du rebelle Ndungutse qui avait, pendant un temps, mit en émoi la région de Ruhengeri. Cette victoire lui donna l’illusion que de la même manière, la puissance coloniale belge allait être vaincue ! C’est cette « décision de Dieu » qui est souhaitée dans le titre de ce poème. Nous terminons ainsi la liste des poétes de cette famille par ce témoignage de la croyance traditionnelle en la théocratie rwandaise.
Après cette présentation globale des auteurs et des compositions de ce groupe de poètes de la maison de Nzabonariba, le temps est venu de passer à la lecture des poèmes. Le texte et l’introduction de chacun sont dans la langue originale. Un seul poème est traduit pour faire deviner le problème général que représente la traduction. Mais cette longue présentation qu’on vient de lire donne le message essentiel de tout le Corpus du groupe des poètes de Kiruri. Une étude approfondie sur ces 36 poèmes, comprenant leur traduction, serait une Monographie très éloquente sur la sagesse de nos ancêtres. Signalons, pour terminer, que pour des raisons pratiques, l’œuvre d’un poète de ce groupe, Sekarama, a fait l’objet d’un numéro à part : N°- 26. Avec ses longs poèmes au nombre de 10 on aurait avec ses compères un volume qui dépasse les proportions d’un cahier de notre Revue. C’est ainsi que l’oeuvre de Sekarama suit immédiatement celle du groupe de Kiruri auquel il appartient.
- ABENE-NYAMURORWA
PRESENTATION
Le présent N°-29 va nous permettre de revenir sur un aspect central de l’histoire de la littérature poétique du Rwanda pré-colonial. Selon nos traditions familiales, les membres du clan des Abasinga sont venus du Nord du Rwanda actuel, en trois phases. Le premier groupe a fondé un immense empire sous la dynastie des Abarenge. L’ensemble de ce groupe fut nommé dans la suite Abasangwa-butaka = les Indigènes ou les Premiers occupants. La deuxième phase fut celle des Abanuka-mishyo, arrivés au Rwanda sous le règne de Ruganzu IINdoli, avec leur chef Runuka-mishyo d’où ils tirent leur nom C’est de ce groupe qu’il va s’agir dans ce numéro, mais terminons la présentation globale. La troisième et dernière migration des membres de ce clan eut lieu, vraisemblablement sous Kigeli III Ndabarasa lors de sa conquête du royaume du Ndorwa. Ce groupe fut nommé Abagahe, nom qui leur vient de la région d’origine, le Bugahe, dans l’actuel Uganda.
Le présent numéro vise le second groupe nommé habituellement Abanuka-mishyo, mais que nous allons appeler Abene-Nyamurorwa, pour leur restituer le nom du premier ancêtre de leur lignage.
Il descendrait lui aussi du primordial ancêtre éponyme de tout le clan qui s’appelait Mutsinzi. Dans sa langue originelle, le nom signifierait le Conquérant, le Vainqueur. Le nom viendrait du verbe « gu-singa » correspondant à notre « gu-tsinda ». Les poètes classés dans ce groupe sont au nombre de 9 dont 4 sont d’une même famille ; celle de Karimunda ; 2 autres de même ; à savoir le père et le fils ; enfin 3 isolés, dont le classement dans ce groupe reste problématique. Nous en donnons l’identité pour la faire suivre ensuite du témoignage concernant leur origine telle que l’un d’entre eux la raconte.
Fort heureusement, l’un de ce groupe, Nyakayonga, dans son poème N°-90, au vers 315, nous parle de ses origines en :
- Mu mbare ndi uwambere
- Ndi umupfumu wa Nyamurorwa .(Traduction )
- Parmi les poètes, je suis le meilleur
- Je suis un devin descendant de Nyamurorwa.
Ce témoignage historique permet de référer de manière indubitable l’auteur de ce poème et toute sa parenté à ce fabuleux personnage, dont parle A. Kagame dans Inganji Karinga I, p.41 en ces termes : « Il existe Abasinga nommés Abanuka-mishyo parce qu’ils sont venus auRwanda avec leur chef Runukamishyo, fils de Muniga, celui-ci fils de Nyamurorwa. Runukamishyo exerçait son métier d’haruspice au Butumbi du Ndorwa au temps du roi Mibambwe I ».
Munis de ce témoigne combien précieux au point de vue des origines de ce groupe, nous avons compris la raison pour laquelle il faut les nommer Abene-Nyamurorwa. Ceux qui les ont appelé Abanuka-mishyo n’avait pas tort car ce fut sous la direction de ce chef que le groupe fit son entrée au Rwanda sous le règne de Mibambwe I. Qu’on s’en souvienne. C’est à cette époque que les Armées d’Abanyoro, envahirent le Rwanda. En ce moment, une partie des Abanyoro restèrent définitivement au Sud du Rwanda et devint la base de l’Armée Sociale Indara.
Que dans cette descente des gens du Nord, le Chef Runukamishyo et ses pages suivent le courant, on peut le comprendre ainsi. Toujours est-il que ce groupe amène une nouvelle donne dans la tradition de son clan. Le premier groupe, celui des Abasangwa-butaka, se caractérisait par deux traits : l’art de la poésie et l’habitude d’organiser de grands ensembles politiques. Point n’est besoin de revenir sur le premier trait si explicite dans tout ce qu’on vient de dire. Pour le second trait, il suffit de rappeler trois faits. 1/ Ils ont organisé un immense empire dans nos régions avant celui des Abanyiginya présidé par la dynasties des « Abarenge ». 2/ C’est le Code dynastique de cette dynastie « renge » qui est à la base de celle du Code dynastique des Abanyiginya. Grâce à la révélation que lui ’en a faite son détenteur le nommé Rubunga, Gihanga du Code dynastique « renge » la base de son propre Code dynastique. Rubunga et ses successeurs ont continué leur fonction à perpétuité sous la nouvelle monarchie et sous le nom Abatege. 3/ Le dernier élément est que le royaume « nyiginya », durant les 10 premiers règnes, a gouverné leur pays avec des reines-mères « singa ». C’est comme si le royaume « nyiginya » avait germé dans l’humus du royaume « renge ».
A ces deux charismes, les nouveaux apportent une nouvelle donne : ubupfumu. Ce terme vient du verbe gu-pfumura = percer. Au sens figuré, il peut signifier : prophétiser, deviner.
Le « mupfumu » est alors celui qui pratique la divination (devin), tout visionnaire qui lit dans le futur ou interprète les mystères (prophètes) et enfin le rêveur des projets d’avenir (poète). Runuka-mishyo = Celui qui dégage une odeur des couteaux (qui ont dépecé les viscères des animaux divinatoires) est le nom du poète-devin. De fait, les membres de ce lignage pratiquent ces deux métiers. Voilà pourquoi aussi ils étaient des proches collaborateurs des monarques. Ceux-ci les considéraient comme les meilleurs guides et conseillers pour les affaires importantes de l’Etat dans un régime théocratique où le « sur-naturel » intervient souvent.
Ces quelques données suffisent comme introduction générale. Avant de passer à la lecture des textes eux-mêmes, il est bon de donner les avertissements suivants : 1°- Eu égard à s a longueur et à son originalité, le corpus de Musare, méritera une monographie à part. Ce poète de ce groupe, est le plus fécond de tous : 13 poèmes. 2°- Le dernier Préfet des Poètes de la Cour, était de ce groupe, à savoir Karera, dont la photo illustre la première page de la couverture de ce numéro. 3°- Le socle de ce groupe est constitué par Karimunda et ses descendants.
4. MUSARE
29°- MUSARE
PRESENTATION
Dans le programme de cette revue sur la poésie traditionnelle appelée Ibisigo, le présent N° 30 nous fait atteindre l’un des objectifs de cette étude. Celui-ci consiste à montrer que cette littérature constitue des documents historiographiques. Cette affirmation s’oppose à celle qui fait croire qu’elle n’est qu’un ensemble de panégyriques royaux, fruit de l’imagination. La présente monographie consacrée à la présentation de la personne et de l’œuvre de MUSARE permet d’atteindre cet objectif. Pour ce faire, nous allons procéder en quatre étapes :
1°- Tout d’abord nous dirons qui est Musare : sa famille, ses qualités littéraires et sa carrière auprès de quatre monarques. 2°- Nous rendrons compte d’un vocabulaire technique utilisé déjà dans cette étude sur la poésie traditionnelle et qui diffère de celui de A. Kagame auquel certains sont habitués. 3°- Il sera question d’une analyse thématique des sujets traités dans l’immense œuvre de notre auteur. Viendra enfin le texte intégral des 13 poèmes de notre compositeur.
1. Qui est Musare ?
Musare est fils de Karimunda, du clan des Abasinga et du lignage des Abene-Nyamurorwa ou Abanuka-mishyo. Il est donc membre du groupe de poètes présentés dans le précédent N°-29. Il a été mis à part entre autres raisons pour une question d’espace dans cette revue qui est limitée à une centaine de pages. Il a eu un fils digne de lui, Nyakayonga et un petit-fils Singayimbaga. Musare a eu une vie longue qui lui a permis de servir le pays sous quatre règnes. Son premier poème, en effet, fut présenté au roi Cyilima II Rujugira (1675-1708) et son dernier à Yuhi IV Gahindiro intronisé aux environs de 1746. Entre ces deux règnes, il y a celui de Kigeli III Ndabarasa (1708-1741) et celui, éphémère, de Mibambwe III Sentabyo (1741-1746). La durée de cette période de production poétique est donc de 71 ans qu’il a dû commencer au moins après 10 ans de naissance. Il est donc mort octogénaire. L’une des qualités exceptionnelles de Musare est d’avoir été, de tous nos poètes traditionnels, le plus fécond. Il a composé 13 poèmes qui totalisent 1.731 vers. Le plus proche de lui en cette fécondité est Bagorozi, le chef de file de l’autre lignage du même clan, qui a composé 9 poèmes de 1.531 vers. En troisième position, on peut signaler Sekarama, du même lignage que Bagorozi, qui est l’auteur de 11 poèmes, totalisant 1.466.
2. Une terminologie à préciser
Avant de poursuivre cette réflexion sur l’œuvre de Musare, nous allons revenir sur une terminologie que nous allons utiliser et que nous avons déjà employée dans nos publications, qui diffère de celle initiée par Alexis Kagame. Mais pour éviter tout malentendu, nous tenons à définir notre position par rapport aux écrits de cet auteur sur l’histoire du Rwanda pré-colonial. A ce propos, pour nous il y a deux Kagame. Le premier est le témoin de la tradition, le second est le chercheur à titre individuel. Ce premier est pour nous, une voie obligée pour accéder à la connaissance de l’histoire événementielle et globale du Rwanda pré-colonial.
Les autres sources disponibles jusqu’à présent sont des corollaires de cette première ou des compléments limités à certains secteurs de la vie nationale. Ne pas reconnaître cette dette que nous avons par rapport à cet homme ou s’installer en rivale contre lui en ce domaine est tout simplement de la malhonnêteté intellectuelle. Ceci dit, à l’égard du Kagame chercheur à titre personnel, on peut avoir un point de vue différent du sien, sur bien des interprétations et des traductions de nos traditions. C’est justement le but de ce qui suit.
2.1. Sa théorie des races.
L’une des interprétations de la tradition par A. Kagame est l’application de la théorie des races sur les trois groupes de notre population ainsi que le corollaire de leur extranéité. Le premier numéro de cette revue, consacré la question des « Ethnies » donne notre interprétation. Le fait que cette théorie des races appliquée à notre population par le colonisateur fut acceptée par notre historien patenté, A. Kagame ; cela a donné de l’appui à ceux qui ne demandaient pas mieux. Par exemple, ceux qui ne reconnaissent pas l’égalité de nationalité à tous les habitants de ce pays. Certains d’entre eux, on les a réexpédiés vers l’Ethiopie supposée être leur vraie patrie, par le raccourci de la Nyabarongo. C’est peut-être le point le plus important des écrits de notre vénérable qui mérite ce correctif.
2.2. La poésie traditionnelle
Dans son livre « Introduction aux trois grands genres lyriques » (Butare, 1969), A.Kagame a présenté cette littérature en trois catégories. Il fait bien de les nommer à partir du sujet auquel elle se réfère. La première se rapportant à la guerre et se nommant Ibyivugo, il la traduit par la poésie guerrière. Rien à redire. La seconde catégorie concerne Amazina y’inka qu’il a traduit par « la poésie pastorale ». Mais comme l’adjectif « pastoral » concerne les pasteurs de n’importe quel bétail, il vaut mieux préciser et dire qu’il s’agit de la poésie bovine. La difficulté vient surtout de l’interprétation du troisième groupe de cette littérature, nommée Ibisigo. Expliquons-nous.
Dans des régimes centralistes où le chef de l’Etat a dans sa main le levier de commande de tout ce qui se fait d’important dans son pays, il y a toujours tendance à confondre ce pays avec son Chef. La monarchie rwandaise étant de ce type de pouvoir centraliste, des gens sont arrivés à confondre l’histoire du pays à celle de ses souverains. C’est ainsi que les œuvres littéraires de nos poètes qui racontent les événements de la nation et qu’on nomme Ibisigo, sont considérés par certains comme de simples panégyriques des souverains. A.Kagame cautionne cette interprétation en les traduisant par l’expression la poésie dynastique. La meilleure preuve de l’inadéquation de cette traduction serait de passer en revue tous ces poèmes et de constater ce que chacun raconte. Ne pouvant pas faire cette vérification dans ce numéro à cause de la quantité de ces poèmes, nous avons choisi un échantillon dans l’œuvre du plus prolifique des poètes, notre Musare. Le texte intégral de ses 13 poèmes va être mis à la disposition de nos lecteurs. Comme tous nos lecteurs ne sont pas à même de comprendre le langage poétique de ces œuvres, une liste des sujets traités par chacun de ces narrations poétiques va être présentée au préalable sous l’intitulé « la thématique des poèmes de Musare ». Dans ce raccourci, on montrera d’avance que la référence était faite aux rois dans le sens où ils étaient des acteurs dans cette histoire de leur pays. Ainsi donc, l’objet des Ibisigo étant le récit des événements et l’expression des réalités du pays, la traduction qui leur convient est La poésie historiographique. Pour apprécier cette interprétation, lisez la suite.
Mais pas tout de suite, pace qu’il y a encore une autre rectification du vocabulaire de traduction à faire. Celle-ci concerne cette antique coutume de légitimer les annexions des pays étrangers par l’envoi d’un émissaire qui se faisait tuer sur le territoire de ce pays convoité. Comment nommer cet émissaire appelé en langue maternelle Umucengeli ?
2.3. Le patriotisme jusqu’au sang.
Le sens étymologique du mot Umucengeli découle du verbe gucengera = pénétrer, s’infiltrer. Dans le cas présent, il s’agir de cet émissaire qui devait pénétrer secrètement dans un pays étranger pour le vaincre par le versement de son sang répandu sur son sol. Cet héroïsme avait deux fonctions : une offensive une autre défensive. Dans le premier cas, ce personnage mourait pour conquérir un pays étranger ; dans le second cas, il mourait pour libérer son pays de l’agression d’une Nation étrangère. Il est donc bien clair que le terme Libérateur, utilisé par A. Kagame ne convient pas pour les Abacengeli agresseurs qui étaient les plu nombreux
Voilà pourquoi nous utilisons l’expression valable pour les deux situations, à savoir les Martyrs pour la Nation. L’histoire de ces martyrs est aussi longue que celle de la croissance du pays car toute conquête exigeait, au préalable, ce martyre.
3. La thématique des poèmes de Musare.
Tout ce qui précède est, en quelque sorte, un préambule et ce qui suit, à savoir le Corpus intégral des poèmes de Musare, est une illustration de ce que nous nommons la thématique des poèmes de notre auteur. Il s’agit de passer en revue ces poèmes pour constater de quels sujets ils traitent. L’objectif de l’enquête est, on s’en souvient, de montrer que ces poèmes racontent des événements historiques et ne sont pas de simples panégyriques royaux. Passons- les en revue pour nous en rendre compte.
1. INYOTA Y’INGOMA = LA SOIF DU TAMBOUR
- Thème = La mort du grand martyr Gihana. On ne pouvait pas mieux débuter cette enquête. On sait que dans sa lutte contre le Burundi, le roi Cyilima Rujugira a dû sacrifier beaucoup de ces Abacengeli dont nous parlons à présent. Parmi ceux-ci, il y eut le prince Gihana. Apprenant l’événement, le roi Cyilima devint inconsolable. A cette occasion, Musare composa ce poème pour le consoler. Cette consolation consista à lui rappeler les dures exigences du pays pour celui qui en est le gardien. Ce sont ces exigences ou ambitions que le poète appelle « la soif du tambour ». Ce poème est parmi les documents historiques les plus indéniables de la mort de Gihana et des autres, Rwandais et Burundais de cette époque.
2. UMURAMBI W’INGOMA = LE TOUR DU
TAMBOUR
- Thème = La mort en martyr de Mutaga III, roi du Burundi. Dans la suite du précédent, ce poème célèbre la mort de Mutaga III, roi du Burundi. Il fut tué sur la colline de Nkanda au Buyenzi par l’Armée rwandaise sous Cyilima II Rujugira. Cette mort occasionna l’annexion au Rwanda de cette province qui, jusqu’alors, était burundaise. La mort de Mutaga III fut considérée au Rwanda comme un temps fort dans les victoires du Rwanda qui a toujours « une soif insatiable d’élargir son espace de respiration. Du côté burundais, cette mort de Mutaga III fut considérée comme un martyr pour son pays afin de lui épargner les malheurs attribués au martyre de Gihana. Dans ce poème, Musare rappelle aussi d’autres martyrs anciens qui précédèrent toutes les conquêtes faites par le Rwanda. Ce sont ces différents moments de conquête que le poète appelle « le tour du tambour ».
3. MBWIRE UMWAMI UKWO ABANDI BAMI
BANTUMYE = JE VIENS COMMUNIQUER AU
ROI LE MESSAGE DES AUTRES ROIS
- Thème = La conquête du Ndorwa. Pour conquérir et « rwandiser » complètement le royaume du Ndorwa, le roi Kigeli III Ndabarasa y a mis du temps. Le reste du pays a trouvé que son absence prolongée loin du centre du pays pouvait faciliter les désordres. Aussi, la Cour chargea le poète Musare d’aller lui présenter respectueusement les plaintes du pays. Ce poème est l’expression de ce message. Le roi comprit la gravité du message et prit le temps et la forme d’y répondre. Cette réponse est le thème du poème le N°- 135: Batewe n’iki uburake = Qu’est-ce qui les a courroucés ? Voilà un poème qui atteste la conquête du Ndorwa. Ceci est de l’histoire ; et ce n’est pas une louange pour ce roi, bien au contraire.
4. NONE WAMAZE UBUHINGWA = PUISQUE TU
AS TERMINE LES LABOURS
- Thème = Encore la conquête du Ndorwa. Ce poème est la suite logique et chronologique du précédent. Musare revient à la charge et presse le roi de revenir à la Cour, puisqu’il a terminé et bien terminé le travail réalisé au Ndorwa. Comme un bon cultivateur qui « a achevé ses labours », le roi est invité à rentrer pour se reposer et réchauffer le climat de la Cour.
5. NCIRE UMWAMI INKAMBA = JE VIENS VENGER L’HONNEUR DU ROI
-Thème = Ce poème porte sur la victoire du roi Yuhi IV Gahindiro contre le compétiteur, son oncle, Gatarabuhura. Le thème est donc, en plus de cet événement de compétition pour le trône, la croyance que le pouvoir royal vient d’Imana et que son élu est invincible.
6. INGOMA IRARAGWA NTIYIBWA = LA
ROYAUTE EST HERITE ET NON VOLE
- Thème = La lutte du prince Gasenyi contre Mibambwe III, pour le pouvoir royal. Le prince Gasenyi est demi-frère du roi Mibambwe III Sentabyo. On sait que malgré sa légitimité royale évidente pour avoir été co-régnant de son père Kigeli III Ndabarasa, le roi Mibambwe III Sentabyo a eu beaucoup d’opposants puissants. Gasenyi avait pour mère une femme mariée par le roi en l’honneur du prince Kibogo, fils de Ndahiro Cyamatare, qui était mort foudroyé. Cette rébellion est un fait historique qu’atteste ce poème. De plus, elle montre que le légendaire Kibogo a existé même si la légende de son intronisation au ciel comme « roi pluviateur » relève d’une mentalité obsolète.
7. SINARI NZI KO UMWAMI YANGANWA INKA NK’UMUHUTU = JE NE SAVAIS PAS QU’UN ROI EN PLEIN EXERCICE DE SES FONCTIONS PEUT ÊTRE MIS EN ECHEC COMME UN VULGAIRE HABITANT
- Thème = Derechef, une lutte pour le pouvoir. Cette fois-ci il s’agit de celle du prince Gatarabuhura, fils de Kigeli III Ndabarasa contre son frère, le roi Mibambwe III Sentabyo. Ce prince ambitieux, vaincu par ce roi, portera plus tard les armes contre son neveu, le roi Yuhi IV Gahindiro, encore bébé. Les armées royalistes de celui-ci, appuyées puissamment par Urukatsa du prince Semugaza, mettront enfin ce récalcitrant prince hors d’état de nuire.
8. IKIMBWIYE IMANA YAMWIMITSE UKWO
YASAGA = J’AIMERAIS SAVOIR CE QUE DISAIT DE LUI L’AUGURE
QUI A DESIGNE CE ROI
- Thème = Un conflit mineur entre le Rwanda et le royaume du Bugesera. Au temps du roi Mibambwe III du Rwanda, un jeune roi est monté sur le trône du royaume du Bugesera. Son nom était Nsoro IV Nyamugeta. Cet inexpérimenté roi se permit de faire razzier un troupeau de vaches du Rwanda qui paissaient à Murinja au Mayaga. Mibambwe III dut envoyer une expédition punitive au Bugesera et ramener le troupeau royal.
9. UMUNYIGINYA MUTINDI = UN NOBLE
DEGENERE
- Thème = Un refus de martyre pour la nation. Ce poème porte sur les faits historiques suivants : Le Rwanda forme encore une fois le projet de conquérir le royaume du Gisaka. Pour ce faire, il choisit le fils du grand martyr, le prince Gihana, le nommé Kanywabahizi. Celui-ci s’en alla au Gisaka, mais pour trahir sa mission et se mettre sous la protection du monarque de ce pays. Musare a composé ce poème comme blâme de cette lâcheté venant d’un prince d’une origine si élevée. L’intérêt particulier de ce poème est de souligner le caractère héroïque de ceux, nombreux, qui ont accepté cette mort pour l’amour de la patrie. Il rappelle que l’acte restait libre jusqu’au bout puisque, arrivé sur le territoire ennemi, il pouvait renoncer au projet de son pays et sauver sa vie en restant à l’étranger.
10. KURYA YASHUKIRANYIJE UBUTO
N’UBUTAMIRE = PUISQU’IL A MELE
L’INEXPERIENCE A L’INDISCRETION
- Thème = Une menace de guerre contre le Burundi. Ce billet de 6 vers est un fragment d’un poème dirigé contre Ntare IV Rugamba du Burundi. A cette époque, le Rwanda n’a plus de puissance égale à lui sur ses frontières : le Ndorwa et le Gisaka, qui l’ont longtemps tenu en haleine, sont enfin vaincus. Le roi Mutaga III du Burundi venait d’être tué par l’Armée rwandaise. Mais ce pays venait d’avoir un nouveau roi qui n’avait pas l’expérience des affaires. Il n’avait pas l’air d’avoir compris le rapport des forces entre son pays et le Rwanda. Musare avertit ce jeune inexpérimenté en lui citant le dicton devenu courant depuis le règne de Cyilima II Rujugira : U Rwanda ruratera, ntiruterwa ! = Le Rwanda n’entre en guerre que de son initiative.
11. UKURI KWIMUTSA IKINYOMA KU NTEBE =
LA VERITE CHASSE LE MENSONGE DE SON
SIEGE
- Thème = La victoire de Gahindiro contre son oncle Gatarabuhura. Ce poème est à placer dans les premiers jours du règne de Yuhi IV Gahindiro. Il relate le triomphe du bébé monarque contre son oncle le prince Gatarabuhura, fils de Kigeli III Ndabarasa qui avait déjà lutté contre Mibambwe III Sentabyo. On se souviendra que le prince Semugaza a joué un rôle décisif pour le triomphe de ce bébé. Son intervention, avec sa redoutable armée Urukatsa s’explique par le fait que sa propre mère Mandwa et la reine-mère Nyiratunga était sœurs.
12. URUGUMYE URUKANGA UMWAMI = LE
GRAND MALHEUR EST CONJURE PAR LE ROI
- Thème = La sécheresse Rukungugu. Les poèmes reflètent tous les événements qu’a connu le Rwanda et dans tous les domaines de sa vie. Nous lisons souvent les relations des conflits armés, des luttes pour le pouvoir entre les princes, nous lisons des témoignages des croyances religieuses et des pratiques coutumières, etc. Mais comme aussi nous apprenons l’arrivée des phénomènes naturels, comme l’apparition de la Comète de Coggia vue au Rwanda en juillet en 1874, l’introduction de nouvelles plantes alimentaires de petits-poids ou de patates douces à la suite des expéditions. Ainsi nous apprenons l’arrivée des sécheresses, des pestes bovines, etc.
13. UMUGORE MUKURU = LA PRINCIPALE
CAPITALE
-Thème = La formation du Rwanda primitif. « Sans ce poème, écrit A.Kagame, le Rwanda primitif et ses premières acquisitions nous resteraient inconnus ». C’est donc ce poème qui lui a permis de dessiner la « Carte du Rwanda Primitif » sur laquelle il a indiqué les capitales des pays successivement unifiés dans cet ensemble sous le règne de Ruganzu I Bwimba. Cette carte va être présentée en tête du texte de ce poème.
On ne pouvait mieux terminer cette enquête thématique dans l’œuvre de Musare pour comprendre que le but principal des Aèdes était de raconter de l’histoire et non donner un coup d’encensoir aux Souverains. Voici maintenant l’intégralité des textes de ces poèmes.
5. LES POETES DE BUHORO
PRESENTATION
Ce N°-39 vient relativiser la maxime : Ujya gutera uburezi arabwibanza = La charité bien ordonnée commence par soi. Selon la logique chrétienne, qui est oblative, la charité bien ordonnée commence par les autres. La présente publication reflète cette nouvelle logique évangélique. En effet, c’est maintenant que nous publions 11 poèmes de ma famille proche après avoir publié 8 monographies des autres poètes. Il est vrai, nous avons publié l’un ou l’autre des poèmes qu’on va relire ci-après. Mais c’est la première fois que nous publions un ensemble important des compositions de ma famille proche, en tant que représentatif d’une inspiration poétique générée par un même maître. Nous avions fait la même chose en regroupant les publications par clans et par familles des poètes : Abasinga (5 numéros), Abanyiginya (1 numéro), Ababanda (1 numéro) et les divers Anonymes (2). Ma famille qui est dans le groupe des Abasinga, a été passée à pieds joints exprès pour une raison particulière que nous allons expliquer. Cette raison est leur caractère chrétien. Cette caractéristique concerne non seulement ces œuvres mais aussi la vie et la profession de leurs auteurs.
Voici une brève présentation de ces auteurs au nombre de trois.
- Bruno NKULIYINGOMA : Ce personnage fut l’homme-clef dans l’histoire politique et chrétienne du Nyaruguru depuis la fondation de la paroisse catholique de Kibeho en 1934. Formé dans le cadre de la Compagnie Indinzi de la Milice Nyaruguru du chef de province Sebagangari, Bruno fut le pilier de la socialisation et de l’enseignement aux écoles primaires de cette paroisse depuis 1934 jusqu’à sa mort martyre en 1994. Lorsque les génocidaires, ses anciens écoliers, l’ont trouvé debout à la porte de l’Eglise de Kibeho remplie de réfugiés, il a refusé de la leur ouvrir. Il a fallu l’abattre d’abord, enjamber son cadavre pour entrer ensuite et commettre le sacrilège. Ses os sont indistinctement mêlés aux autres qui sont dans le mémorial de Kibeho, ou peut-être enterrés quelque part aux alentours de cette Eglise. Tous ses contemporains qui ont fait leur école primaire à Kibeho, tous les prêtres qui sont passés par cette paroisse, toutes les autorités politiques et administratives du Nyaruguru, Buyenzi et Bashumba, seraient d’accord avec nous pour dire que parmi les laïcs de cette époque, Bruno fut l’un des plus grands promoteurs de l’Evangile et du progrès de cette région. Ses 4 poèmes que vous allez lire vous montreront non seulement son art poétique, mais aussi sa foi chrétienne. Il faut ajouter que, sans être le chef de la famille qui était mon père, Bruno fut, en son temps, le maître en inspiration et en fécondité poétique dans la famille.
Lors de la célébration à la Paroisse de Kibeho du 25ème anniversaire de mon ordination sacerdotale en 1987, je lui ai demandé s’il pouvait m’aider à reconstituer l’intégralité de ses poèmes pour une éventuelle publication. Il m’a répondu qu’il était dans l’impossibilité de le faire. Je lui ai dit que je connaissais encore par cœur ses poèmes que j’avais débités quand j’étais son écolier. Heureux d’entendre cela, il m’a prié de faire mon possible pour les publier et rechercher ceux qui étaient déjà publiés dans quelques journaux. C’est avec plaisir qu’aujourd’hui je m’acquitte de cette mission en publiant seulement les 4 poèmes dont, depuis longtemps, j’avais gardé une copie.
- Déogratias NTETE : Fils aîné de Bruno, Déo. fut à l’école primaire, l’élève de son père qui l’initia comme ses condisciples à la poésie. Plus tard, il devint catéchiste à la paroisse de Karama, près de Buhoro. C’est là que le génocide l’a trouvé. Avec un groupe d’autres responsables de la communauté chrétienne de la région, Déo. s’est laissé massacrer au milieu de sa famille et de ses chrétiens, plutôt que de sauver sa vie au Burundi comme bien d’autres. Il est mort en chantant avec ses compagnons : Twaremewe kuzajya mu Ijuru = Le ciel est notre vrai domicile. Ses restes sont parmi ceux des 45.000 tués à Karama.
- Bernardin MUZUNGU : C’est mon nom moi qui écris ces lignes. Je suis prêtre catholique et religieux dominicain. Bruno est mon oncle paternel, mon enseignant aux primaires, mon parrain de baptême et mon principal initiateur à la poésie.
Les poètes de Buhoro.
C’est sous ce titre que nous présentons les 3 auteurs des 11 poèmes que nous allons vous présenter ci-après. Notre famille naturelle et poétique est proche du groupe des poètes de Kiruri dont il a été question dans le N°-24 de cette revue. Kiruri et Buhoro sont deux sommets d’un même ensemble montagneux, habité par deux branches de la famille des Abasinga. Kiruri-Buhoro leur fut accordé en fief par le roi Yuhi III Mazimpaka à l’époque où la Milice Nyaruguru dut descendre au Sud du pays pour contenir les Armées du Burundi. Au point de vue de l’inspiration poétique, Kiruri et Buhoro sont de la même veine poétique. Passons maintenant aux particularités des compositions que vous allez lire. Les 11 compositions ont les points communs suivants : le langage actuel, les thèmes chrétiens et la collaboration entre les auteurs.
- Le langage actuel : Une des difficultés que rencontrent les gens d’aujourd’hui dans la lecture des Ibisigo traditionnels est justement leur vocabulaire inusité actuellement. Notre vocabulaire possède quelques termes et tournures poétiques ; mais dans l’ensemble le texte est dans le langage courant et actuel. La traduction française permet une compréhension complète.
- Les thèmes chrétiens : Bien que nous aurons l’occasion de l’expliquer pour chaque cas, les 11 compositions traitent de sujets chrétiens explicitement ou implicitement. La majorité a été composée pour célébrer des événements chrétiens.
Nos origines.
Il n’est pas inutile de dire d’où nous vient cette tradition poétique. Le proverbe latin, ne dit-il pas « Non fiunt sed nascuntur poetae » = On naît poète, on ne le devient pas ! La généalogie connue de nos ancêtres est courte. Dans l’ordre descendant, elle est la suivante : Fora, Rwishyura, Mugenzi, Munyabuntu. Celui-ci est père de Rubashangabo et de Rugira. Ce premier est à son tour père de Rusekabahunga et Grand-père de Muzungu. Quant au second, il est père de Nkuliyingoma et grand-père de Ntete.
Dans l’histoire de notre famille, on raconte que Fora serait venu du Ndorwa, de sa partie actuellement ugandaise. En désaccord avec le roi du Rwanda qui lui prenait le butin de vaches acquises de son propre arc, il est retourné d’où il était venu. En partant, il a laissé cette parole devenue proverbiale : Urabeho, uritunge nanjye nzitunga = Adieu, que chacun de nous vive de ses propres moyens ! Son épouse Nyiramikamo refusa de le suivre à l’étranger et resta au Rwanda avec son unique fils Rwishyura.
En calculant le nombre des générations parallèles, Fora serait venu au Rwanda sous le règne de Kigeli Ndabarasa, celui-là même qui a conquis le Ndorwa, devenue depuis lors une province rwandaise. Nyiramikamo resta à Buhoro près de Kiruri, fief des Abasinga, du clan de son mari et donc aussi de son fils. Entre les Abasinga de Buhoro et ceux de Kiruri, il semble y avoir une parenté plus proche que celle du clan. Pourrions-nous avoir un ancêtre commun, le fameux Rubunga ?
Je vais évoquer ici un souvenir d’enfance. Lorsque j’étais encore gardien des vaches de mon père, il faisait souvent la prière aux ancêtres pour la protection et la prospérité de ses bovidés. Parfois il me faisait participer à ce culte en me demandant d’amener près de lui le taureau de nos vaches. Quand mon père commençait sa supplication, une chose m’intriguait toujours : il débutait toujours par ce refrain énigmatique :
- Seka Gasani k’i Rwanda = Sois-nous favorable, Imana
qui protège le Rwanda,
- Seka Ntanga za Rubunga = Soyez-nous favorables,
Descendants de Rubunga
-Seka Nkindi za Ruhagazi = Soyez favorables,
Guerriers de Ruhagazi
Le souvenir de cette formule m’est revenu à la mémoire récemment au moment où je me pose la question de mes origines dans le cadre de la présente recherche. Mes travaux antérieurs m’ont fait connaître ces deux personnages : Rubunga et Ruhagazi. Tous les deux sont du clan de ma famille qui est celui des Abasinga. De façon plus précise, nous savons ce qui suit : Dans son E.H., A.Kagame nous apprend que Rubunga était un Umwiru de la dynastie des Abarenge dont le dernier roi fut Jeni.
Ce personnage arriva au Rwanda sous le règne de Gihanga Ngomijana qui eut pour épouse Nyamususa, justement fille de Jeni, fils de Rurenge.
Ce Rubunga et sa descendance ont occupé le second rang dans la hiérarchie du Collège des Abiru de la dynastie des Abanyiginya (p.39-40). Sa fonction de ritualiste intronisateur des rois favorisa l’élection de 10 reines-mères de son clan, en commençant par Nyamususa surnommée la mère des rois. La dernière de cette série fut la célèbre poétesse Nyiraruganzu II Nyirarumaga.
Quant à Ruhagazi, nous lisons dans le livre du même A. Kagame, Les Milices du Rwanda pré-coloniales (Butare, 1985, p.43) ce qui suit : « Il a vécu sous le règne du roi Yuhi IV Gahindiro ». Il fut le chef d’un illustre Commando nocturne qui mit fin à l’agression des guerriers du Burundi et obligea ce pays à chercher un modus vivendi pacifique avec le Rwanda. Revenons maintenant à nos moutons. Rappelons-nous la prière aux ancêtres avec leurs trois destinataires nommés : Gasani k’i Rwanda, Ntanga za Rubunga et Nkindi za Ruhagazi. La première formule ne pose aucun problème. Elle est une supplication adressée directement à Imana dans le cadre de la religion traditionnelle et de la monarchie théocratique. La deuxième formule qui dit littéralement « Spermes de Rubunga » s’adresse aux ancêtres descendants de Rubunga. Comme dans ce culte, le priant ne s’adresse qu’à ses propres ancêtres, il faut comprendre que cette formule atteste une consanguinité directe entre mon père et Rubunga. Le même raisonnement s’applique à la troisième formule. Elle signifie littéralement « Costume des guerriers de Ruhagazi ». C’est ici une manière pour mon père d’affirmer qu’il considérait le Commandant Ruhagazi comme membre de sa parenté. Et comment ne pas le croire avec cette tradition familiale de pugnacité inscrite même dans les noms des individus. Le priant se nommait Rusekabahunga = le Moqueur des fuyards aux combats. Son père s’appelait Rubashangabo = le Vaillant porteur du bouclier. Quant au nom de notre patriarche, le bien-nommé Fora, la chose est claire. Ce nom signifie : le Décocheur des flèches !
En conclusion, quelque soit la valeur de ces hypothèses sur nos origines, une chose est sûre : les poètes de Kiruri et de Buhoro ont vécu dans une harmonie sociale attribuée à des origines ou à des affinités familiales communes. Les poètes de Buhoro que nous venons de présenter ont manifestement puisé leur inspiration poétique dans les œuvres du groupe de Kiruri. Ainsi donc, quiconque veut comprendre les poèmes du groupe de Buhoro peut les comparer à ceux du groupe de Kiruri, plus importants.
LES POETES DE CLANS INCONNUS ET LES POEMES D’AUTEURS ANONYMES
Sous ce titre il est question des poètes dont le clan est inconnu et d’autres dont on ne connaît ni le clan ni le nom. Commençons par la première catégorie.
6. LES POETES DE CLANS INCONNUS
PRESENTATION
Ce N°-31 regroupe 15 poètes dont nous connaissons les noms sans connaître leurs clans au sein desquels ils ont été initiés à cet art. Nous les présentons dans l’ordre chronologique de leur composition. Parmi ces quinze auteurs, huit ont composé chacun un seul poème. On pourrait, donc dire, que ce sont des poètes occasionnels. Bien entendu, cette précision ne disqualifie nullement la valeur de leur unique composition. C’est le cas d’évoquer le proverbe latin : « non numerantur, sed ponderantur » = la qualité vaut mieux que la quantité.
Dans le but de faciliter les informations complémentaires concernant ces auteurs que nous sollicitons, spécialement des éventuels membres de leurs familles, voici leur liste: Ruhinda, Mirama, Nyamugenda, Sebukangaga, Kagaju, Rukomo, Rurezi, Rutinduka, Rundushya, Muzerwa, Muhatsi, Rubumba, Ndandari, Gashugero, Senkabura.
Il faut bien comprendre le regroupement par clans parce que ce métier relevait d’une institution officielle de la Cour royale. L’initiation allait de père à fils et la transmission des poèmes restait dans la famille comme une responsabilité nationale. Voilà pourquoi, le clan des Abasinga, dans ses deux branches, reste le pilier de ce trésor culturel. Qu’on s’en souvienne, l’initiateur de ces poèmes historiographiques, fut de ce clan, la reine-mère Nyiraruganzu II Nyirarumaga. Le second groupe de poètes est celui des Abanyiginya du clan royal, naturellementproches de la Cour où vivaient ces poètes de métier. Par un heureux hasard, il y eut un individu, le bien-nommé Muhabura, avec 3 de ses descendants, qui se tailla une part de lion dans le concert de ces illustres poètes en faveur de son clan des Ababanda. Si d’aventure, les recherches parvenaient à une bonne fin, il y a bien des chances que ces actuels anonymes rentreraient dans ces grandes familles des poètes bien connus.
7. LES POEMES D’AUTEURS ANONYMES
PRESENTATION
Ce présent numéro comprend les poèmes dont nous n’avons eu aucune information sur l’identité de leur auteur. Nous les nommons justement les « Anonymes ». Nous espérons que par cette publication, ceux qui ont des informations complémentaires auront la bienveillance de les communiquer à nos lecteurs. Nous nous ferons le plaisir de servir d’intermédiaire pour ceux qui veulent les faire passer par nos services.
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INGERI Z’UBUVANGANZO NYARWANDA
(Salvator Uzabakiriho , umwarimu w'Ikinyarwanda mu Iseminari Mutagatifu Dominico Savio yo ku Rwesero)
- 1. UBUVANGANZO NYEMVUGO
- UBUVANGANZO NYEMVUGO NYABAMI
- UBUVANGANZO NYEMVUGO BWO MURI RUBANDA GISESEKA
- ZIMWE MU NGERI Z’UBUVANGANZO NYEMVUGO
- A. UBUVANGANZO NYEMVUGO NYABAMI
- A. 1. IBISIGO (NYABAMI)
- INTANGIRIRO
- AMOKO Y’IBISIGO NYABAMI
- a) IKOBYO /IKUNGU
- b) IBYANZU
- c) IMPAKANIZI
- UMUBARE W’IBISIGO
- KU NGOMA YA YUHI MAZIMPAKA
- KU NGOMA YA CYILIMA RUJUGIRA
- KUKI BYISWE IBISIGO BY’IBYUMA?
- KU NGOMA YA NDABARASA.
- KU NGOMA YA SENTABYO
- KU NGOMA YA GAHINDIRO
- KU NGOMA YA RWOGERA
- KU NGOMA YA RWABUGIRI
- KU NGOMA YA MUSINGA
- KU NGOMA YA RUDAHIGWA
Ubuvanganzo nyarwanda babugabanyamo ibice bibiri: ubuvanganzo nyemvugo n’ubuvanganzo nyandiko.
1. UBUVANGANZO NYEMVUGO
Ni ibyahimbwe n’abantu ba kera batazwi neza bahimbaga batandika, bakabifata mu mutwe. Ibyo bahimbaga babishyikirizaga ab’igihe cyabo bikabizihira mu bitaramo , bakagenda babiraga abo basize, bityo bityo bigahinduka uruhererekane. Ubuvanganzo nyemvugo na bwo bwari bugabanyijemo ibice bibiri:
- Ubuvanganzo nyemvugo bwo muri rubanda giseseka
- Ubuvanganzo nyemvugonyabami
Bwari bukubiyemo ibintu byinshi byari byerekeranye n’ibwami, abami, ingoma ya cyami n’ibindi bijyanye na yo. Mu buvanganzo nyemvugo nyabami twavugamo: ubwiru, ubucurabwenge, ibitekerezo by’ingabo, ibyivugo, indirimbo z’ingabo, ibisigo nyabami, amazina y’inka.
UBUVANGANZO NYEMVUGO BWO MURI RUBANDA GISESEKA
Bwari bukubiyemo ibintu byinshi byari byarasakaye muri rubanda. Ikibutandukanya cyane na nyemvugo nyabami ni uko bwo butari buhishe cyangwa hari abantu bake bugenewe nk’ibisigo, ubwiru, ubucurabwenge,...Mu ngeri z’ubuvanganzo nyemvugo bwo muri rubanda twavugamo:imigani miremire, ibitekerezo, imigani migufi (imigenurano), insigamigani, ibitutsi, ibisakuzo, ibihozo, amavumvu, amasare, amahigi, amagorane, ibitongero (mu kuragura, guterekera, gutukura umwana, kwambika imana zeze, guhura, kugangahura, guhanura, kugombora, kuroga,…), indirimbo z’imandwa, uturingushyo, indirimbo z’inanga, ibihamagaro, amajuri, amahamba, indahiro, ibyidogo by’isuka,…
ZIMWE MU NGERI Z’UBUVANGANZO NYEMVUGO
A. UBUVANGANZO NYEMVUGO NYABAMI
A. 1. IBISIGO (NYABAMI)
INTANGIRIRO
Ibisigo bikunze kwitwa nyabami byatangiye ku ngoma ya Ruganzu Ndoli; ni bwo byatangiye kwitwa bityo. Mbere hari ibyitwaga ibinyeto (riva ku nshinga kunyeta bivuga gusingiza cyangwa kurata). Mu binyeto Kagame avuga ko umusizi yahangaga agasingizo kagufi k’imirongo nk’icumi cyangwa makumyabiri, kakaba ari ak’umwami umwe, umwe. Nyuma, ku ngoma ya Ruganzu ni bwo Nyirarumaga yize uburyo bwo guhuriza mu gisigo kimwe abami benshi cyangwase akavuga umwami umwe mu gisigo kirekire. Mu kubitangira yahurije bya binyeto mu gisigo kimwe yise “Umunsi ameza imiryango yose”.
Mbere abahanzi b’ibinyeto bitwaga “abenge”. Bityo guhera ubwo wa mwengekazi w’umusingakazi atangije ubwo buryo bushya, bitwa abasizi. Abandi benge bahise bamukurikiza maze kuva icyo gihe bahabwa agaciro ibwami kandi ibwami akaba ari na bo babagenga. Abasizi bashyize hamwe, bakagira gahunda y’uko bazajya batura umwami ibisigo banarema umutwe uyoborwa n’”intebe y’abasizi”. Abasizi nta kindi basabwaga gukora uretse guhimba.
AMOKO Y’IBISIGO NYABAMI
Ibisigo nyabami birimo amoko atatu: ibisigo by’ikobyo, ibisigo by’ibyanzu n’ibisigo by’impakanizi.
Ni ibisigo bigiye umujyo umwe, bikagira interuro (intangiriro) n’umusayuko. Ntibigira ibika bitandukanye ahubwo byo bigiye umujyo umwe. Aho bihuriye n’ibindi ni uko bigira indezi (amagambo asingiza umwami). Birahurutuye, nta n’ubwo ari birebire.
Urugero tugomba gusesengura ni : “None imana itumije abeshi” cyasizwe na Mutsinzi agitura Kigeli Rwabugili amuhanuririra abaroze se Rwogera ngo abarimbure (Abagereka bo kwa Rugereka) (Igitabo cy’imyandiko, umwaka wa gatandatu, p. )
Ni ibisigo bigabanijwemo ibika bita ibyanzu bigiye bitandukanywa n’inyikirizo. Mu byanzu, iyo bavuga amateka y’abami ntibabakurikiranya uko bagiye bima ingoma n’uko ibikorwa byabo byagiye bikurikirana.
Urugero tugomba gusesengura ni: “Naje kubara unkuru” cyahimbwe na Sekarama ka Mpumba agitura Rwabugiri mbere yo gutera i Ndorwa. (Igitabo cy’imyandiko, umwaka wa gatandatu, p. )
Icyo gihe igikomangoma cyo mu Ndorwa cyari cyatumyeho Rwabugiri ngo bamubwire ko na we ari umwami kandi akitwa Rugaju. Ibyo bikibutsa ko Gahindiro wari wigaruriye Ndorwa yishwe na Rugaju rwa Mutimbo, Ndorwa ikaba inyazwe Rugaju. Igihe Rwabugiri yari amaze gutsinda yongeye guturwa igisigo cyitwa:”Bahiriwe n’urugendo”.
Ni ibisigo usanga umusizi yaragendaga avuga amateka y’abamin’ibikorwa byabo abakurikiranya uko bagiye bima ingoma, agaheruka uwo atura igisigo. Impakanizi yagiraga ibice by’ingenzi bitatu:
- Interuro, umusizi avugamo muri rusange ibyo agiye gukomozaho ku bami bose no kugaragaza ko aje kurabukira umwami.
- Igihimba, kigizwe n’ibika bivuga abamibigenda bitandukanywa n’inyikirizo yitwa impakanizi.
- Umusayuko, umusizi asingizamo umwami agitura uri ku ngoma ndetse akaba yaboneraho no kwisabira umuriro.
Urugero rugomba gusesengurwa mu ishuri ni “Ukwibyara gutera ababyeyi ineza” cya Nyakayonga ka Musare wa Karimunda. (Igitabo cy’imyandiko, umwaka wa 6, p.?)
N.B.: 1) Uretse ubwo bwoko butatu tumaze kubona hari n’ibisigo by’ubuse bamwe bita “ibyivugo by’ubuse”. Muri byo umusizi yashoboraga gutera umwami cyangwa abandi ubuse, abavugaho ibintu bisa n’ibisebya kandi bisekeje. Uwo bavugaga ntiyagombaga kurakara, naho iyo yarakaraga bakamwita igifura. Bene ibyo bisigo by’ubuse ni byo Kagame yiganye mu guhimba “Indyoheshabirayi”kuko na yo itera ubuse, umwami Rudahigwa n’abatware ku bijyanye n’ubusambo bw’ingurube.
2) Mu kuvuga umwami n’ibyo yakoze, abasizi birindaga kugaragaza amakosa umwami yaba yarakoze. Musare yahagaritswe ku ngoma ya Kigeri Ndabarasa kubera ko ngo yari yaserereje umwami. Ngurusi na we yavuze amakosa y’umwami ku ngoma ya Kigeri Rwabugiri ariko nta cyo bamutwaye. Hari aho yari yagize ati: “Mbwire umwami urugo ruzatwika urwe, awucirira hakiri kare” mu gisigo cyitwa “Urugo rugwije imbaga” Rwabugiri ni ko kumubwira ati “noneho si ugusiga urasebanya”. Ruhinda rwa Kinyakura ngo na we hari aho yavuze ibyerekeye n’ubwiru ku ngoma ya Yuhi Mazimpaka, bamushyira ku ngoyi. Ni mu gisigo cyitwa “Ndi umupfumu w’inka”, yaje gusaba imbabazi mu gisigo yise “Ndi umuyoboke w’abami”.
UMUBARE W’IBISIGO
J.Vansina avuga ko ngo ibisigo nyabami byose hamwe byaba bigera kuri 400, Kagame we yashoboye kubarura ibigera kuri 176 n’ibindi 42 biziwe interuro gusa byose hamwe bikaba 218. G. Mbonimana we ahamya ko birenga 300. Dukurikije uko imbonerahamwe ibyerekana, kuva ku ngoma ya Ruganzu Ndori kugeza kuri Yuhi Gahindiro dusanga hari ingoma zasizweho cyane n’izindi umuntu yavuga ko ubusizi bwacumbagurikaga. Impamvu yaba iyihe? Tutibagiwe ko hari n’abami batavugwa kandi barategetse igihe kinini: ku ngoma ya Ruganzu Ndoli, Kigeri Nyamuheshera ndetse na Gisanura, abasizi bari bake cyane. Urebye ni nk’aho ari Muguta wenyine wabasigiye ibisigo umunani.
KU NGOMA YA YUHI MAZIMPAKA:
Ku ngoma ye ibisigo byariyongereye kubera ko na we yari umusizi bitaga “umusizi w’umusinzi n’umusazi”. Mazimpaka yarwanijwe na mwene nyina Nyagasheja ahungira i Gatsibo mu Ndorwa. Aho afatiye ubutegetsi, bene Nyagasheja arabarimbura. Yishe bene se babiri abyohejwe n’Abakono bo kwa nyina. Mu kwihorera, amaze kumenya ukuri, arimbura Abakono bose n’ubwo nyina yari yamwinginze ngo abareke, yica abagore be babiri b’Abacyaba ngo bamuroze, icyo gihe umwami abona ko inshuti zimushizeho, bihumira ku mirari abonye umuhungwe Musigwa abakurikiye kandi ari we umwishe, biramubabaza cyane, ni ko gusiga igisigo cy’intashyo y’abasigaye ati:
”Singikunda ukundi”
”Singikunda ukundi
Ibyo nkunda ntibinkundira
Aho kunkunda birampunga bikigira gukungika kure
Gukunda ikitagukunda ni nk’imvura igwa mu ishyamba”.
Bamwe bavuga ko ku ngoma ye habonetse ibisigo bigera kuri 12. Uretse ibisigo bye bwite, abasizi bagombaga kuba barayobotse Karenera Rwaka wamusimbuye akamara imyaka 15 ariko ibya Karemera babiburijemo, ari ugushaka kwerekana ko ntawe uzungura uwo bava inda imwe. Impamvu Karemera Rwaka yavanywe ku rutonde rw’abami ni uko:
- Yari yarabyawe n’umunyiginyakazi kandi nta munyiginyakazi wabaga umugabekazi
- Izina rya Karemera ntiryari iry’abami b’i Rwanda
- Ntiyari yaratowe n’abiru
- Ikindi kandi ngo yari yarabandishijwe.
KU NGOMA YA CYILIMA RUJUGIRA
Ku ngoma ye ibisigo byashoboye kuboneka ni 29 cyakora nka G. Mbonimana we avugako byaba bigera kuri 30. Kuba ibisigo byariyongereye bituruka ku bintu byinshi byabaye ku ngoma ye:
- Hari ukuba yarimye nyuma y’igisa n’amagomerane kubera Karemera Rwaka, kuba yarahungiye mu Gisaka no kuba ari we washyizeho bwa mbere ingerero Kuba yarimikanywe na nyina w’ikitiriro witwaga Turira wari nyina wabo akaba umukonokazi. Nyina w’ukuri witwa Kirongora yaje kuza nyuma. Mu guhunguka mu Gisaka yabifashijwemo na Busyete wari umugesera, bigatuma ubwoko bw’Abagesera bwinjizwa mu bibanda (Ega, Gesera, Ha na Kono)
- Yabaye igihangange kuko yabaye uwa gatatu mu batekereza b’ibwami nyuma ya Gihanga na Kibaga
- Ni we wa mbere wimitse umutware w’imandwa ibwami
- Yarambye ku ngoma aboneraho no kororoka benshi. Abahungu be babaye ibisekuruza by’imiryango ikomeye: Abasharangabo, Ibidende, Ibikore, Abakobanyi,...
- Yabaye umurwanashyaka anesha abamurwanyaga, arema imitwe y’ingabo igera kuri 14. Ingabo ze zarwanye n’iza’Abarundi, Abanyagisaka, Abanyandorwa, ntawakwibagirwa ko ari na zo zishe Mutaga III Sebitungwa w’i Burundi.
- Ku ngoma ye kandi hari abasizi b’abahanga twavugamo Bagorozi na Muhabura tutibagiwe na Kalimunda. Abo bombi bigaragaje muri bya bisigo 7 bise ”ibisigo by’ibyuma”!
KUKI BYISWE IBISIGO BY’IBYUMA?
Byaturutse ku makimbirane yabaye hagati ya Kalimunda na Muhabura, ubwo Kalimunda yajyaga gucurisha amacumu (ibyuma) by’abarwanyi maze Muhabura akamurangarana, avuga ko yabanje gushaka ibikoresho by’abacengeri (abatabazi). Bityo amakimbirane aravuka, haba kwibaza niba hatsinda ingabo cyangwa abatabazi. Ibyo bituma Kalimunda ajya kurega Muhabura kwa Rujugira. Yamureze mu gisigo yise: ”Ibyuma bitsindira abami”. Mu kwiregura Muhabura yerekana ko yabanje gucura ibyangombwa by’abatabazi, abivuga mu gisigo yise: ”Ibyuma bimerira abami urubanza?”. Umwami asaba abandi basizi kumufasha guca urubanza maze uwitwa Nyamugenda asa n’ushyigikira Kalimunda mu gisigo yise ”Iyo urubanza rwagombye abakuru”. Abandi bari aho na bo bagize icyo babivugaho , ni bwo Bagorozi agize ati ”Zemeye inganzo ingongo”. Maze Muhabura, mu kwiregura asubiza Bagorozi ati ”Mbwire Bagorozi umunsi ugumye”. Umuhungu wa Muhabura witwaga Ndamira, aramwunganira mu gisigo yise:”Abatabazi bagira ubatemera”. Mwene Bagorozina we yunganira se mu gushyigikira Kalimunda ati”Urubanza ruhari ntiruhumburwa” asa n’ushaka kuvuga ko urubanza rwaciwe n’umwami rudasubirwamo.
Muri ibyo bisigo kandi banajyaga impaka kugira ngo bagaragaze umusizi w’umuhanga kurusha undi.
KU NGOMA YA NDABARASA.
N’ubwo Ndabarasa na we yabaye intwari cyane, agatsinda i Ndorwa y’Abashambo, akongera inka mu gihugu azikuye mu Nkole no mu Bumpaka, akigarurira Umubali amaze kwica Biyoro na Nyirabiyoro, yasigiwe ibisigo bine gusa.
Ndabarasa yateye i Butembo ashaka kugumayo ngo ahimenyereze ni bwo abiru batumye Kibarake kujya kumuhamagara, babimutuma mu gisigo cyahimbwe na Musare cyitwa”Mbwire umwami uko abandi bami bantume Byangabwana”. Kibarake aragenda arakimubwira. Nuko Ndabarasa ngo yaba yaramukubise ni bwo Kibarake agarutse abasubiza mu gisigo cye yise”Batewe n’iki uburake”. Ngo na bo baramukubise asubirayo yongera kubwira Ndabarasa mu kindi gisigo cyahimbwe na Musare kitwa”None wamaze ubuhinge”. Ndabarasa arabihorera. Nyuma yaje kuharwarira ibikoba (indwara y’imitsi bamwe bita imitezi). Atari yagaruka se yahise yimika umwuzukuru we Sentabyo. Ndabarasa yaje gupfira mu Ndorwa. Ku ngoma ye kandib abanyandorwa bari baramutuye igisigo ”Agati bamanitse abami”.
Birashoboka ko impamvu yatuwe ibisigo ari uko yiberaga hanze arwana, ikindi kandi mu rwimo rwe nta magomerane yabaye kuko se yari yaramwimitse atarapfa.
KU NGOMA YA SENTABYO
N’ubwo yamaze igihe gito ku ngoma (imyaka 5) ku ngoma ye habonetse ibisigo bigera kuri 21. Ibyo bikaba biterwa n’uko se amaze gupfa habaye ibyo kurwanira ingoma n’ubwo yari yarimitswe na sekuru se atarapfa. Bene se na bo bashakaga gutegeka. Barimo Ruzamba na Katarabuhura na nyina, bashyigikiwe na Rukari. Hari abandi bari bashyigikiwe na Gasenyi. Ibyo byose byavuzwe mu bisigo nka”Umwami si umuntu na ”Ko bavuga iridakuka abami”. Aho amariye gutsinda, ashyigikiwe na Kimanuka na Vuningoma waNyarwaya, ndetse na nyina Nyiratamba (umwegakazi) na Nkebya hamwe n’abiru b’abatsobe ari na bo bari bakomeye kuruta abandi, abasizi bahise bapfunuka ari benshi baje kumushimira ko yatsinze. Urugero ni ”Ntawe urenga icyo azira” cyari ikinyeto cya Gatarabuhura. Umusizi Muganza agira ati:
Ko abatindi bakibeshya kwinshi
Ko bagize ngo bageze barore
Bakure ibyo Imana yavuze
Ibyo Murema yaremye
Umwami aba ari Imana akabonwa n’iyindi
Ikamuha izina akima agahaka abantu
Uwo Imana yameneye amata
Ntiyunamuzwa amaboko
Sentabyo yishwe n’iseru akiri umusore nta kana.Ubwo hahise haba ”Coup d’Etat”: Nkebya na Baryinyonza bashyigikira Nyiratunga, wari umupfakazi wa Gihana cya Rujugira wari warapfuye ari umucengeri i Burundi. Ubwo Nyiratunga akaba yari amaze kubyara Gahindiro, abanza gutegekerwa na nyina kuko yari akiri muto.
KU NGOMA YA GAHINDIRO
Se yatanze ari bwo akivuka ku buryo yabanje gutegekerwa na nyina witwaga Nyiratunga. Abaturage ntibari bamuzi igihe yagirwaga umwami. Amaze gukura yigaragaje nk’umwami ucisha make kandi witonda. Ku ngoma ye ibisigo byashoboye kuboneka bigera kuri 12.
KU NGOMA YA RWOGERA
Uyu na we yimye akiri muto abanza gutegekerwa na nyina witwaga Nyiramavugo Nyiramongi mushiki wa Rwakagara rwa Gaga, bakundaga kwita umwogabyano kubera uburanga yari afite. Kwima kwa Mutara Rwogera kwahise gukurikirana n’intsinzi y’Abanyarwanda kuri Ntare IV Rugamba w’u Burundi ndetse no kwigarurira i Gisaka. Ibyo byatumye abasizi barabukira umwami bwangu maze bamutura ibisigo bigera kuri 30. Rugaju rwa Mutimbo wari inkundwakazi y’akadasohoka ya se ni bwo yanyazwe aricwa n’umuryango we wose, ahagana mu w’ 1848. Rwogera yari afite ingabo z’intwari zamurwaniriye, kandi yahanze n’indi mitwe irimo itorero Abakwiye yabyirukiyemo, umutwe witwa Inzirabwoba za Nkoronko, Uruyange zaRugaju zaje guhabwa Rwakagara se wa Kanjogera. Hakaba Intaganzwa za Marara, Abashakamba za Nkusi ya Gahindiro, Imvejuru za Nyarwaya, Urutesi n’abakemba za Rwihimba n’abandi. Izo ngabo ni zo zamuhaye gutsinda Abarundi mu gitero cya Rwagatana. Ku ngoma ye ni bwo habaye igitero kizwi cyane cy’Imbungiramihigo kwa Makombe ho mu Bushi.
KU NGOMA YA RWABUGIRI
Ku ngoma ye habonetse ibisigo byinshi ugereranije n’abandi bami. Habonetse ibisaga 40. Ibyo bituruka ku mpamvu nyinshi zitandukanye:
- Yarambye ku ngoma
- Yari igisare gitegekesha igitugu, akica umubangamiye wese (Havugwa ko yakundaga kunywa inzoga maze ushatse kugira uwo yicisha akabimubwira (kuregesha umugono) akamutanga atabizi).
- Yaharaniye ikuzo abigaragariza mu bitero yagabye akigarurira ibihugu, mu kuvugurura ubutegetsi no kwiyegereza abamusingiza (abasizi).
Mu kiciro cya kabiri abatavugwamo ni Mibambwe Rutarindwa wategetse amezi 16 mbere yo gupfira ku Rucunshu ahagana mu 1986. Yabanje gutegekana na Rwabugiri ku buryo no mu bisigo babavugwamo bombi Sezisoni wiswe Rwabugiri amaze kwima, akaba avuka kuri Murorunkwere na Nkoronko, yaje gushyingirwa abakobwa batatu ba nyirarume Nzirumbanje, babiri muri bo bataha iwe bafite abana, abo bana b’abazanano barimo Muhigirwa na Rutarindwa, Rwabugiri abagira abe arabiyitirira asa n’ukurikiza urugero rwa Rwogera wamwimitse kandi atari uwe. Nguko uko yimitse Mibambwe Rutarindwa waje kwigizwayo n’Abega ku ntambara yo ku Rucunshu kubera muka se Kanjogera washakaga ko muhungu we Musinga ari we wima.
KU NGOMA YA MUSINGA
Ku ngoma ye habonetse ibisigo bigera kuri 9 gusa kubera ko agaciro k’ubwami kasaga n’agatangiye kugabanuka; ni bwo abazungu baje mu Rwanda, bakaba ari bo basaga n’abari hejuru ye. Aaaaaaicyamuranze cyane ni uko yagerageje kurwanya abakoro ni kugeza n’ubwo abizize bakamukura ku ngoma ndetse bakamwirukana mu gihugu, bakimika ku buryo bunyuranije n,ubwiru muhungu we Rudahigwa.
KU NGOMA YA RUDAHIGWA
Ku ngoma ye naho habonetse ibisigo bike, birindwi gusa. Yaranzwe no kuba ari umwami wakoranye n’abakoroni bamwimitse, avanaho ubuhake n’ibindi byagiye biranga ingoma zamubanjirije, abazungu bamaze kubona ko ari umwami washakaga ubumwe bw’Abanyarwanda bahisemo kumwivugana mu buryo butasobanukiye Abanyarwanda. Nta yindi mpamvu yabiteye ni uko babonaga bizabagora gushyira mu bikorwa politiki yabo ya”Diviser pour reigner”.
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